Le manque d’accès aux soins de santé et aux services sociaux de même que le manque de volonté politique d’agir en prévention, notamment sur les facteurs socio-économiques qui ont des incidences sur notre santé, nous coûtent très cher individuellement et collectivement.
La situation se dégrade depuis trop longtemps et fait mal à la population. L’heure est maintenant à la recherche de solutions durables.
Alors que la santé constitue la priorité numéro un de la population, il est inconcevable que les lois québécoises ne prévoient aucune protection du droit à la santé. Pourtant, en vertu du droit international, le Québec a des obligations à cet égard pour tous les Québécois. Ce droit implique, entre autres, l’accessibilité et l’universalité des soins, ainsi que la participation de la population aux prises de décisions en matière de santé et de services sociaux.
Il y a 50 ans, le Québec s’est doté de la Charte des droits et libertés de la personne. Celle-ci a préséance sur pratiquement toutes les lois et possède un statut quasi constitutionnel. Plusieurs droits et libertés y sont inscrits tels que le droit à la vie, à la jouissance paisible de ses biens, au respect de sa vie privée, à la liberté d’opinion, de religion et d’expression. Le respect de ces droits contribue à notre cohésion sociale. Bien que la santé soit une priorité pour toute la population, la Charte n’en fait nulle part mention. Pourtant, une question aussi fondamentale que le droit à la santé devrait être protégé contre les influences, les humeurs et aléas politiques du moment.
Si un tel droit était formalisé, que l’État devenait réellement responsable et qu’il était possible de l’interpeller devant les tribunaux lorsqu’il ne répond pas à l’essentiel, les gouvernements n’auraient d’autre choix que de faire de la santé un chantier prioritaire, pas seulement en paroles, mais aussi dans ses gestes.
En le formalisant, l’État devrait mettre en place des méthodes de financement, de prestation et de gestion plus efficaces, basés sur des recommandations d’experts. Il devrait aussi cesser de laisser le privé vampiriser le réseau de la santé.
Il devrait combler le manque de ressources dans nos hôpitaux, garder nos médecins dans le réseau public, développer le virage en soins à domicile tant attendu et améliorer l’accès aux professionnels.
Nous serions en droit de nous attendre à des décisions politiques visant à rendre le système de santé réellement efficace, sans égard au profit, afin qu’il puisse répondre aux besoins de la population.
D’autres droits pourraient aussi être inscrits dans la Charte afin de mieux agir sur des éléments qui influent sur la santé. Par exemple, le droit au logement, qui permettrait d’agir en prévention de l’itinérance. En tant que société, nous devrions nous assurer que chaque personne puisse avoir un toit sur la tête avant de subventionner à coups de millions des équipes de hockey ou des usines de batteries.
L’actuel gouvernement refuse de prendre ses responsabilités en se cachant derrière des formules telles que « c’est partout pareil dans le monde », « il faut créer de la richesse avant de la distribuer » ou « les enjeux de santé sont des problématiques complexes ». Certes, répondre aux besoins de la population représente des investissements importants. Mais ne pas le faire engendre des coûts encore plus grands.
Une société incapable de protéger la santé de sa population fera inévitablement face à d’immenses problèmes qui s’accompagneront d’une facture salée. C’est pourquoi le Québec doit mettre en place de puissants incitatifs afin que le gouvernement s’attaque aux réels problèmes plutôt que de multiplier les réformes bureaucratiques qui ont comme seul effet de réduire sa responsabilisation, de le déconnecter des besoins de la population et qui font passer le profit avant tout.
Le droit à la santé pourrait être cet outil.
Réjean Leclerc
Président de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN)
* Cette lettre est la troisième d’une série de quatre portant sur les changements fondamentaux que la fédération pense nécessaires pour maintenir un Québec en santé, telle que publiée dans Le Devoir.