Rehaussement de la formation infirmière : le moment est mal choisi

La sempiternelle question DEC ou BAC pour la formation initiale des infirmières et infirmiers revient dans l’actualité. Pour la FSSS-CSN, le moment est mal choisi pour relancer ce débat, alors que la pénurie fait rage et que les professionnel-les en soins sont épuisées comme jamais.

Mettons nos énergies à régler la crise dans le réseau

Comme les Jeux olympiques et les années bissextiles, le débat sur la formation initiale des infirmières semble voué à revenir cycliquement. C’est l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) ^[1] qui a ramené la question dans les derniers jours.

L’annonce de l’OIIQ d’en faire la première orientation de son plan 2020-2023 ^[2] surprend.  En 2020, beaucoup de problèmes affligent le réseau. La réforme continue de faire mal aux infirmières et aux patientes et patients. Les compressions budgétaires des dernières années font encore sentir leurs effets sur le terrain. Tout cela entraîne une crise de surcharge plus élevée que jamais. L’augmentation du TSO et des gardes obligatoires en est un exemple frappant. Le réseau est en crise et les conditions de pratique difficiles nuisent à l’attraction et la rétention du personnel.

À notre avis, c’est là-dessus qu’il faut se concentrer en priorité. Tant et aussi longtemps que nous n’aurons pas mis fin à la crise d’épuisement dans le réseau, nous ne parviendrons pas à avoir l’énergie nécessaire pour faire des transformations.

La négociation du secteur public ^[3] qui débute est sans doute le meilleur vecteur pour parvenir à régler la crise. Il est vrai que l’OIIQ n’y a pas son mot à dire. Mais force est d’admettre que le moment n’est pas le meilleur pour relancer ce débat. Ceci dit, à la FSSS-CSN, nous serons toujours heureux de prêter main-forte aux efforts pour améliorer les services à la population.

Un débat qui s’inscrit dans le temps

Dans ce débat, les arguments restent les mêmes : les pros BAC diront que les autres provinces et les autres pays ont une formation universitaire pour les infirmières, ce à quoi les défenseurs du diplôme d’études collégiales (DEC) protesteront que le réseau des cégeps est unique au Québec et qu’ils sont donc plutôt l’équivalent des Instituts de formation en soins infirmiers de la France.

Les pros BAC plaideront l’augmentation de la complexité des soins, de la criticité des pathologies présente en hôpital, ce à quoi les défenseurs répondront que les outils de rehaussement sont disponibles à même le réseau existant des cégeps.

Des balises à respecter

À la FSSS-CSN, nous serons toujours d’accord avec l’idée de mieux outiller les infirmières pour qu’elles aient les connaissances utiles à leur emploi dans le réseau de la santé et des services sociaux. Quiconque dirait que 3 années (ou 2 pour les DEC-BAC) d’études de plus ne fournissent aucune notion utile serait d’une mauvaise foi assumée. Par contre, de dire que le DEC ne permet pas d’offrir une formation qualifiante est aussi faux.

Si le rehaussement est une option envisagée par le gouvernement, il faut donc s’assurer que des balises claires s’appliquent. Le DEC doit rester qualifiant. Il faut s’assurer de reconnaitre aux techniciennes en place l’importante expertise qu’elles possèdent. Il faudrait aussi faire l’implantation de manière progressive pour s’assurer de faire face à la pénurie en cours. Et il faut s’assurer que le rehaussement sera bénéfique pour les usagères et usagers du réseau.

Sophie Leclair
Représentante de la catégorie du personnel en soins infirmiers et cardiorespiratoires