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S’il y a un bon moment pour adresser les inégalités, c’est maintenant

22 décembre 2020

Depuis le début de la pandémie, nous voyons les craques dans le système de la santé et des services sociaux; craques créées par des années d’austérité et de négligence par les gouvernements successifs depuis le milieu des années ’90. Cependant, il y a un angle mort que nous ne parlons toujours pas. Ce blogue veut mettre en lumière cette situation.

Pour écrire ce blogue, rédigé en collaboration avec le Conseil central du Montréal métropolitain-CSN, j’ai sollicité la contribution des intervenantes qui travaillent auprès d’une population qui vit dans la plus grande précarité. Voici leur témoignage qui me donne des frissons !

La parole au monde terrain

Dans un contexte où l’on parle de définancer la police. Où l’on parle de s’isoler complètement, pour une deuxième fois durant une pandémie mondiale. Dans un contexte de crise du logement, de crise des surdoses. Les personnes en situation d’itinérance et les intervenant-es socio-communautaires en ont assez!

Assez de devoir assister à une conversation à sens unique. Où les organismes communautaires en itinérance reçoivent des « directives » gouvernementales et municipales tout en étant exclus des discussions sur les mesures hivernales. Pourtant, les experts des problématiques sociales, c’est nous.

Nous sommes épuisé-es de répéter les mêmes messages depuis des années, voire des décennies et de toujours se retrouver dépourvu-es de ressources matérielles et humaines pour arriver à faire ne serait-ce que la moitié de notre travail. Les demandes d’aide sont en hausse et les situations sont complexes. Les gens sont en crise et en danger ! Les refuges d’urgence sont bondés et inadaptés. Supposés être des endroits sécuritaires pour se reposer, prendre soin de soi, ils sont en réalité un potentiel endroit où mourir. Entouré de personnel sans formation, sans empathie.

Parce qu’on veut être là pour les gens, sans oser demander du financement, sans même compter les heures de travail, dans des conditions précaires, dans des locaux inadéquats, sans ressources supplémentaires. C’est alors que des travailleuses et travailleurs essentiels de Montréal sont en danger. En danger de « péter au frette », de voir leur santé mentale se détériorer. En danger d’aider du monde en danger.

En danger de se faire poivrer par des policiers armés pour aller combattre l’ennemi. Celui qui se tient tranquille dans une tente, pour essayer de survivre dans une Ville qui leur enlève tout pouvoir d’agir et où leur reconnaissance est totalement niée. Où le traitement reçu se résume à : 15 minutes pour faire ton sac, sous menace policière, sous menace de répression physique, sous menace d’emprisonnement.

Les médias sont aux premières loges de ce célèbre démantèlement. Devant les intervenant-es invités, hypocritement, à venir aider pour finalement devoir assister au spectacle sans pouvoir intervenir.

La Ville se cache derrière le service de prévention des incendies pour sortir le monde de dehors. Pour les enfermer dans un endroit ou dans un autre, pour les cacher et les oublier. Parce que c’est jamais beau pour Montréal. C’est jamais beau dans ma cour. Sauf que s’il y a un bon moment pour se regarder le nombril, c’est maintenant. Pour accepter les inégalités sociales. Pour les adresser, les comprendre et les adoucir. C’est suite à un évènement d’une rare violence comme celui du démantèlement du camping Notre-Dame qu’un réel changement doit commencer.

Les témoignages de ces intervenantes sont fort éloquents. Les personnes en situation d’itinérance sont considérées comme des citoyennes et des citoyens de seconde zone. Les travailleurs et les travailleuses qui les épaulent et les soutiennent au quotidien éprouvent le même sentiment. Le démantèlement brutal du campement Notre-Dame est venu en « rajouter une couche » sur les difficultés vécues par des gens qui ont besoin de soutien et non de répression. Il est venu également complexifier les conditions de travail déjà éprouvantes des intervenantes et des intervenants. Si on veut agir de manière à changer les choses durablement, on doit entendre ce que les gens qui vivent dans la rue et les personnes qui travaillent à leurs côtés au quotidien ont à dire.

Je remercie très chaleureusement Alexandra Pontbriand (de l’organisme Spectre de rue), Élaine Beauchamp-Lachappelle (de l’Old Brewery Mission), et Chloé Bernie (de l’Accueil Bonneau). Les travailleuses et travailleurs de ces organisations communautaires font partie d’un syndicat régional composé uniquement de groupes communautaires.

Un merci aussi pour la collaboration de Dominique Daigneault du Conseil central de Montréal Métropolitain.

J’espère que ce billet va sensibiliser les lectrices et lecteurs sur le travail extraordinaire que font les groupes communautaires, souvent dans l’ombre et toujours avec un financement inadéquat.

 


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