Dans un article paru le 29 avril, Alain Dubuc cite certains chiffres d’un rapport obtenu par La Presse et qui démontrerait que les coûts des chirurgies seraient moins élevés à la clinique privée Rockland MD qu’à l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal.
Pour monsieur Dubuc, cela démontre que ce projet de privatisation est un succès et qu’il faudrait donc le prendre en exemple pour l’exporter ailleurs dans le réseau de santé et de services sociaux.
Malheureusement, le rapport ne tient pas compte de l’ensemble des coûts. Le débat qui entoure le transfert de chirurgies vers la clinique Rockland MD permet de rendre compte de l’aveuglement volontaire des partisans du privé en santé. Le transfert des ressources du public vers le privé n’est pas une solution pour s’attaquer au réel problème de l’accès aux soins de santé.
Regarder l’autre côté de la médaille
On peut lire le rapport cité par monsieur Dubuc de deux façons. Il n’en demeure pas moins qu’au cours de la période visée, le rapport indique qu’il en coûte 110$ de plus pour chaque chirurgie effectuée dans la clinique privée Rockland MD.
Mais là n’est pas le plus important. En effet, il est faux de prétendre qu’il en revient moins cher de faire affaire avec le privé, parce qu’on ne tient pas compte de l’ensemble des coûts quand on fait cette évaluation. Par exemple, les bilans préopératoires, le suivi postopératoire, la gestion des complications, le secrétariat, l’administration et les prises de rendez-vous sont toutes des activités qui sont réalisées par l’établissement public au bénéfice de la clinique privée, ce qui génère des coûts qui ne sont pas comptabilisés dans les évaluations. Si Rockland MD devait assumer elle-même ces activités, il en coûterait beaucoup plus cher pour chaque chirurgie.
Si on veut faire l’analyse des coûts, il faut tenir compte de l’ensemble des données. Il n’est pourtant pas surprenant de constater que les partisans du privé en santé s’obstinent à mettre l’accent sur un seul côté de la médaille.
Une fausse solution à un réel problème
Ce que le débat sur Rockland MD devrait nous permettre de constater, c’est que ce type d’expérience est une mauvaise solution à un réel problème. Nous devons absolument améliorer l’accès aux soins de santé. Pour ce faire, il ne devrait pas être question de favoriser l’ouverture d’un marché privé, mais de mettre nos énergies à développer le meilleur réseau public possible.
À cet effet, monsieur Dubuc avance que l’Hôpital du Sacré-Cœur ne serait pas en mesure d’accueillir l’ensemble des chirurgies pratiquées à Rockland MD. Il faut pourtant préciser que la région de Montréal compte plusieurs blocs opératoires qui pourraient absorber ce que l’Hôpital du Sacré-Cœur ne pourrait rapatrier. Par exemple, la chirurgie bariatrique d’un jour faite à Rockland MD pourrait être rapatriée à l’Hôpital Lachine.
Le recours au privé est donc une fausse solution à un réel problème : celui de développer la meilleure organisation de soins pour répondre aux besoins des patient-es. Ce n’est pas en déplaçant nos ressources vers le privé que l’on améliore la situation. L’Hôpital du Sacré-Cœur doit plutôt profiter de l’occasion pour revoir l’organisation du travail et mieux utiliser les compétences de l’ensemble du personnel, notamment pour ce qui est des infirmières auxiliaires.
Il a été maintes fois démontré que les services de santé sont de meilleures qualités dans le secteur public et qu’il est bien plus aisé d’y contrôler l’évolution des coûts. Si nous avons à cœur de donner les meilleurs services qui soient à la population, nous devrions surtout nous opposer aux compressions budgétaires imposées par le gouvernement Couillard plutôt que de faire miroiter une énième fois que le privé viendra nous sauver.
Guy Laurion