Le gouvernement Couillard a choisi son camp : il a décidé de se ranger du côté des puissants qui n’hésitent pas à écraser les voix discordantes pour faire passer leur vision. Lui qui se présentait comme le gouvernement le plus respectueux et transparent de notre histoire, il lui aura fallu moins d’un an pour attaquer la démocratie. Et quoi de mieux qu’un projet de loi qui démantèle notre réseau public de santé et de services sociaux pour bafouer notre démocratie?
Un démantèlement de notre réseau public de santé et de services sociaux
Contrairement à ce que prétendent plusieurs chroniqueurs, je pense qu’il n’est pas étonnant que le ministre Barrette ait voulu couper court aux débats pour adopter le projet de loi 10. Il s’agit de la pièce maîtresse qui permettra d’accentuer la privatisation en santé et services sociaux. Le gouvernement regroupera des services pour les rendre plus appétissants pour les entreprises privées. Vous en doutez? Alors, comment expliquer que la Fédération des chambres de commerce salive déjà face aux occasions d’affaires qu’ouvrira ce projet de loi? Ce n’est d’ailleurs essentiellement que ce groupe qui appuyait sans réserve le projet de loi. Et comment se fait-il que le ministre s’accorde le droit de donner des contrats au privé?
Que les chroniqueurs qui n’ont pas une fine connaissance du réseau se perdent dans ce dossier, cela est compréhensible. Cependant, tous les experts qui connaissent le fonctionnement du réseau ont été très clairs lors des audiences de la commission parlementaire. Ce changement « administratif » est très mauvais. Notre super-ministre n’a pas contré ces arguments. Il a préféré attaquer les messagers.
Le projet de loi 10 est bien plus qu’une simple réforme administrative. Pendant que tout le personnel sera concentré à s’adapter aux nouvelles structures, les problèmes d’accès aux services continueront de s’aggraver. Et c’est la population qui en fera les frais! Pendant combien de temps les citoyennes et citoyens accepteront-ils de ne pas avoir accès aux soins de santé? Je suis persuadé qu’ils seront plus nombreux à être forcés de se tourner vers le privé, ce qui fera l’affaire de ce gouvernement d’affairistes.
Une attaque au processus démocratique
C’est l’ensemble du processus menant à l’adoption de ce projet de loi qui est questionnable. Rarement avons-nous vu un ministre avoir aussi peu de considération pour celles et ceux qui donnent les services au quotidien. Je ne suis pas certain que l’on mesure tout le danger de laisser un réseau aussi complexe entre les mains d’un seul homme.
Quand on ajoute à cela le fait que ce projet de loi sera adopté sous le bâillon par un parti qui a reçu l’appui de seulement 30% de la population aux dernières élections, on ne peut faire autrement que de se dire qu’il y a quelque chose qui cloche. Voilà qui ne fera qu’augmenter le niveau de cynisme dans la population…
Si on demande de quel côté la population porte sa confiance : vers les infirmières, préposé-es, professionnel-les et l’ensemble du personnel du réseau ou vers un ministre omnipotent qui croit tout savoir; je pense qu’elle se range du côté de celles et ceux qui lui donnent des services au quotidien. Comment peut-on alors accepter une telle attaque à notre démocratie?
Quelle est la légitimité de ce gouvernement? En quoi le gouvernement Couillard peut-il prétendre parler et agir en notre nom?
Grâce à notre régime politique, ce gouvernement peut faire à peu près ce qu’il veut jusqu’aux prochaines élections. Tant pis si l’ensemble des groupes concernés s’y oppose! Tant pis si la population n’a jamais donné de mandat pour mettre des mesures d’austérité de l’avant! Tant pis si 70% de la population veut que la réduction des inégalités soit la priorité! Si 30% de la population a voté pour toi, c’est suffisant pour tenir museler la majorité de la population pendant 5 ans. Drôle de démocratie!
Qu’attendons-nous pour refuser que nos élites confisquent la démocratie au service du portefeuille des plus nantis?
Continuer la bataille
La semaine prochaine, les syndicats de la FSSS-CSN vont évaluer les meilleurs moyens pour poursuivre la bataille. Il n’est pas trop tard pour faire reculer ce gouvernement. Il n’est jamais trop tard pour refuser l’austérité!
Si nous le laissons aller, que restera-t-il de notre réseau?
Pendant combien de temps endurerons-nous que nos aîné-es ne reçoivent pas les services auxquels ils ont droit? Combien de jeunes vulnérables ne recevront pas le soutien nécessaire? Combien de personnes attendront des heures aux urgences?
Face à cette attaque frontale, nous devons maintenir un front uni. Ce ne sera pas facile parce qu’un des objectifs de ce gouvernement est justement de s’en prendre à la solidarité syndicale. Nous devons garder notre objectif et résister. Résister à une offensive antidémocratique inadmissible. Résister à une élite qui saccage nos services publics pour s’en mettre dans les poches.
Le 6 février 2015 restera marqué sur mon calendrier comme un jour où la démocratie a été bafouée pour révéler le réel visage d’un gouvernement…
Jeff Begley