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    • 14 JUIN 23
    Mobilisation face à PL-15: Analyse politique de Guillaume Hébert de l’IRIS

    Le 30 mai dernier, dans le cadre des Mardis d’Action Politique (MAP), plus de 70 syndicats de la FSSS ont participé à cette rencontre d’échanges et d’information visant à identifier les perspectives d’actions et de mobilisations en réaction au projet de loi 15.

    Pour l’occasion, Guillaume Hébert, chercheur à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), est venu nous présenter une analyse politique globale dans laquelle se place la mobilisation à ce projet de réforme. David Bergeron Cyr, 2e vice-président de la CSN, et Charles Gagnon du Service d’appui aux mobilisations et à la vie régionale-SAMRV de la CSN ont présenté la campagne de la CSN Vraiment public, ont apporté un résumé des actions entreprises et entendu les propositions des syndicats pour la mobilisation à venir.

    PRÉSENTATION GUILLAUME HÉBERT,

    INSTITUT DE RECHERCHE D’INFORMATION SOCIO-ÉCONOMIQUE

    Le projet de loi 15 est bel et bien une réforme, contrairement à ce qu’on veut nous faire croire. Il s’agit d’une offensive majeure, comme celle de Barrette il y a quelques années. Les mouvements sociaux et les syndicats doivent se mobiliser.

    La politique de santé est un des traits majeurs d’une société et représente son filet social le plus important. Le gouvernement ne peut tenter de faire passer des politiques comme celle-là sans que les mouvements sociaux ne se fassent entendre. La défense de l’intérêt collectif doit être faite par les mouvements sociaux sinon personne d’autre ne le fera.

    La co-construction des idées et de la mobilisation est essentielle, car c’est par l’échange que notre perception évolue.

    Il faut défendre la démocratisation de l’économie alors qu’actuellement, c’est une petite minorité qui décide. On vient de subir 40 années d’austérité et on entre dans une crise climatique : notre enthousiasme, c’est notre point de ralliement.

    À quoi sert un système de santé et de services sociaux?

    Selon différentes études, le système de santé est responsable d’environ 20 % de l’état de santé des gens et des déterminants sociaux de la santé comme le revenu, le logement, l’environnement ont impact direct sur la santé.

    La vision hospitalo-centriste actuelle nous provient des suites de la 2e guerre mondiale.

    Notre système québécois s’est construit pendant la Révolution tranquille : fruit du ministère des Affaires sociales et de la réflexion de la Commission CastonguayNepveu. Les CLSC étaient au cœur de cette réforme et on identifiait les besoins d’une manière plus large et partait du constat suivant : Quand les gens sont pauvres, ils sont plus malades, le revenu et le logement sont déterminants : En ce sens, les CLSC militaient par exemple pour du logement social : c’était un vrai contre-pouvoir.

    Cependant les trois dernières réformes ont centralisé le pouvoir et les ressources dans les hôpitaux, appauvrissant les services sociaux et la santé publique.

    Cela frise l’absurdité, cette centralisation ne fait pas de sens, elle nous nuit collectivement.

    PL-15 va nous faire reculer collectivement

    PL-15 induit dans la loi le principe de prestataires de services privés au lieu du financement privé comme aux États-Unis. On nous dit que ce n’est pas grave parce que les services privés seront payés par la RAMQ. Cependant l’IRIS a arraché les données via une demande d’accès à l’information pour analyser ce que ça coute vraiment.  Nos conclusions sont à l’effet que le privé coûte beaucoup plus cher, parfois trois fois plus cher que les services publics.

    Lorsque cette étude de l’IRIS est sortie, à quelques heures près, une firme de communication embauchée par l’Association des cliniques privées remettait en question ces résultats. Tous les proches de l’Institut économique de Montréal (IEDM) ont repris ces lignes de communication en disant que l’IRIS avait fait des erreurs dans son analyse (ce qui est faux!).  Le ministre Dubé a même répondu aux journalistes de consulter l’IEDM pour sa réaction.  Cela démontre le pouvoir de l’argent et de l’intérêt des cliniques privées à préserver leurs profits.  La population veut des services accessibles, mais se heurte aux lobbys du privé, qui ont beaucoup d’argent et donc beaucoup de moyens.

    Se mobiliser contre PL-15 :

    Dans l’histoire des politiques publiques, ce sont toujours les mouvements sociaux qui ont fait des gains pour la collectivité.  Rien ne peut arrêter des centaines de milliers de personnes qui prennent la rue!  On ne sait pas quand la mobilisation va lever, mais il faut être le déclencheur.  C’est important de se décomplexer par rapport à notre vision. Il faut s’émanciper de l’étiquette de « chialeux » qu’on veut nous donner, car notre vision est simplement lucide.

    L’espace médiatique ne nous appartient pas.  Par exemple la plus grande manifestation de 2012 n’a pratiquement pas été couverte dans les médias. Il faut diffuser et passer notre message ‘’en chair et en os’’, de personne à personne.  Il faut faire passer notre message avec plus d’éclat pour contrer le message des médias. Est-ce qu’on peut juste donner plus de crédibilité aux forces des travailleurs au lieu de la démagogie de la droite et des lobbys?

    Quel angle d’attaque au niveau stratégique?

    Réponse des participants :

    • Avec l’employeur unique, expliquer à nos membres que ça va prendre 20 ans pour avoir un poste aux endroits intéressants. Ça va affecter la vie dans les régions. Les plus anciens vont aller en région pour une meilleure qualité de vie et les jeunes vont rester en ville, ça ne fonctionne pas.
    • L’argent du public dans le privé, c’est une porte ouverte qui va justifier la fermeture de services dans le secteur public en plus de nous couter plus cher collectivement.
    • Il faut se faire des alliés, les groupes de défense de droits, le communautaire.
    • Qu’est-ce que je gagne à me mobiliser? L’accès aux soins!
    • Adapter nos arguments selon à qui l’on s’adresse (parents, personnes âgées, etc.).
    • Faire un parallèle avec ce qui se passe aux États-Unis, c’est vers là qu’on s’en va!
    • Toucher nos membres avec leur réalité : ex avec l’employeur unique si tu as un problème de paye, ça sera réglé dans combien de temps si tu ne sais plus où t’adresser?
    • Contacter des gestionnaires qui ont quitté et qui seraient prêts à parler
    • Le coût : combien ça va couter de ta poche ? Augmentation des primes d’assurances par exemple.
    • On ne détruit pas un système du jour au lendemain, ce sont les attaques depuis les 40 dernières années qui nous conduisent vers un point de non-retour!
    • Tout le monde sait que notre réseau est déjà trop centralisé. Il faut contrer le message du gouvernement qui parle d’une réforme humaine.

    Un organigramme de la nouvelle réforme sera produit par l’IRIS.

    Faire des alliances prend toute son importance. Il faut reprendre confiance en nous et fédérer les insatisfaits.

    Actuellement, il y a trois principaux blocs dans notre société :

    • Bloc des libéraux : proche du marché, pro-mondialisation, leurs promesses de prospérité n’ont pas été tenues alors ils ont moins de légitimité qu’avant.
    • Bloc conservateur : ex. discours contre les migrants, manifestions de droite.
    • Bloc Justice sociale : plus inclusif, solidaire avec les éclopés et avec ceux qui subissent les conséquences de notre système.

    On a des alliés, il y a un débat.  Le gouvernement ne veut plus de contre-pouvoir, il faut donc se mobiliser. Nous ne sommes pas orphelins d’idée plus justes, il faut rassembler notre bloc.  Il faut se décomplexer face au milieu des affaires, ne pas rester enfermé, assumer notre rôle.

    PRÉSENTATION DAVID BERGERON CYR, 2e vice-président de la CSN

    Campagne de la CSN Vraiment Public : https://www.csn.qc.ca/vraiment-public/

    Cette campagne présente ce que devrait être notre système de santé et de services sociaux. C’est notre projet de société : un réseau 100 % public.

    Il faut rassembler toutes les forces de la CSN, des secteurs privés comme public. On est en train d’aller se chercher des alliés, tels que les autres organisations syndicales, mais aussi les organismes communautaires et les autres groupes progressistes en santé et services sociaux. Nous allons rencontrer prochainement la Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador (CSSSPNQL).

    C’est un enjeu social, pas syndical.  Cette vision collective, c’est le réseau de tout le monde et se fera avec votre appui. On tente déjà tout au niveau médiatique, mais les médias sont contrôlés par d’autres. Donc, c’est par des gestes collectifs, mais aussi des gestes individuels qu’on y arrivera.

    La CAQ tente d’enlever des droits aux travailleuses et travailleurs. On se bat pour le droit à la santé, on réclame que cela soit inclus dans la charte des droits et libertés du Québec. Mon environnement de travail doit aussi me permettre de vivre en santé.

    La CAQ est incapable de mettre de l’avant les déterminants sociaux parce que son but est de favoriser la classe des affaires pour s’enrichir. La question de la pollution et de l’environnement a aussi un impact important sur la santé de la population et n’est pas abordée dans le projet de loi 15.  On devrait agir en prévention et pas seulement sur le curatif. Leurs alliés : les pharmaceutiques, les médecins entrepreneurs avec une vision hospitalo-centrique.

    Avec PL-15 sur les conseils d’établissements, il y aura des gens du milieu des affaires qui seront présents. Ils ne voudront qu’accentuer la privatisation.

    Carte soleil ou carte de crédit?  43 % du budget va à la santé et en services sociaux, mais c’est 2-3 fois plus cher au privé. Les coûts vont exploser. La prochaine étape sera de dire, ça c’est couvert, mais pour ce qui est mieux ou ce qui répond vraiment tes besoins, sort ta carte de crédit ou ta police d’assurance.

    Les trois principes : Déprivatiser, Décentraliser, Démocratiser

    Le gouvernement veut faire d’une pierre deux coups, s’attaquer au mouvement syndical en même temps que réformer. En commission parlementaire le ministre ne nous a pas écoutés, il n’a que placé ses lignes de communication.  Il faut se questionner sur l’environnement démocratique, car son but est d’annihiler tous les contre-pouvoirs.

    Le mouvement syndical est une véritable force.

    PRÉSENTATION DU CONSEILLER CHARLES GAGNON, SAMVR NATIONAL

    Plusieurs actions ont déjà eu lieu :

    • Québec 31 janvier, rassemblement devant l’Assemblée nationale
    • Montréal, 13 février, manifestation et déploiement d’une bannière devant le club Mont-Royal, présence de Pierre Fitzgibbon
    • Toutes les régions,  semaine du 10 avril, distribution de portes à des députés et des ministres. Concept : « Ne pas ouvrir la porte au privé ».
    • Montréal, 19 mai lors du congrès de la CSN : visite à la chambre de commerce, avant le discours de Pierre Fitzgibbon.
    • Québec, 25 mai : en intersyndical, dépôt d’une pétition à l’Assemblée nationale.

    L’automne sera chaud!