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    • 25 SEP 20
    Arrêter de tourner en rond pour sauver notre réseau de santé et de services sociaux

    La deuxième vague est à nos portes et il manque encore des pièces maîtresses pour protéger le réseau et le personnel. Le gouvernement et les employeurs ont fait un bout et nous sommes mieux préparés qu’à l’arrivée de la pandémie. Mais ils restent pris dans leur étau idéologique et manquent de courage politique pour faire ce qu’il faut pour ne plus jamais revivre le drame des derniers mois. Regardons ça ensemble.

     

    3 prises contre la gestion managériale des CHSLD

    Coup sur coup, trois rapports majeurs sont sortis cette semaine. Chacun à leur manière, ils démontrent le cul-de-sac d’une gestion managériale qui n’a que la flexibilité et les coupes budgétaires en tête.

     

    Du drame du CHSLD Herron à la nationalisation des CHSLD privés

    Un rapport s’attarde au cas du CHSLD privé Herron et montre le résultat dramatique des décisions gouvernementales des dernières années. En refusant d’investir les montants nécessaires pour prendre soin des aîné-es, nos gouvernements ont décidé de confier de plus en plus de personnes âgées et handicapées au privé. C’est le cas dans les centres d’hébergement privés, mais aussi dans certains CHSLD.

    Confier des patient-es aussi vulnérables à des entrepreneurs privés voulant faire des profits est une des plus mauvaises idées que nous avons eues. Il aura fallu vivre le drame du CHSLD Herron pour le comprendre. C’est bien beau de jeter le blâme sur la direction du centre comme l’a fait le gouvernement, mais il faut aussi que nos élu-es se regardent dans le miroir. C’est l’austérité qui nous a menés là. Ce qu’il faut, c’est nationaliser les CHSLD privés dès maintenant.

     

    Mettre fin à l’illusion du privé sauveur du public

    Plus largement, la pandémie montre à quel point c’est une mauvaise idée de se fier au privé en santé. On le voit avec les problèmes d’approvisionnement de fournitures médicales et avec l’offre de soins à la population. On voit déjà des cliniques privées tenter de profiter de la pandémie pour dire qu’elles peuvent aider le réseau, entre autres pour rattraper le retard des chirurgies.

    Mais c’est ce qu’on fait depuis plus de 20 ans donner toujours plus de place au privé. Si ça marchait, on le saurait non ? Si ça avait permis de réduire les listes d’attente, on le verrait ! Ce n’est évidemment pas le cas parce que le personnel est en nombre réduit. On manque tellement de monde dans le réseau, pourquoi ne pas fermer la porte au privé pour mettre toutes nos énergies à avoir un bon réseau public pour la population ?

     

    Aller au bout de la logique du rapport du CHSLD Sainte-Dorothée

    Un autre rapport s’est concentré sur le CHSLD Sainte-Dorothée à Laval, un des plus touchés par la première vague. Le rapport met le doigt sur le bobo et comme nous le disions dans notre réaction, il faut maintenant avoir le courage d’aller au bout de sa logique.

    La première chose, c’est de faire plus que d’admettre l’échec de la réforme Barrette et de faire de quoi pour mieux organiser notre réseau. Nos gouvernements doivent arrêter de penser qu’ils vont améliorer les choses en prenant toutes les décisions à Québec. C’est au contraire en revenant à un réseau décentralisé et bien implanté dans les communautés qu’on va pouvoir mieux soigner la population. Pour ça, il faut qu’elle ait son mot à dire et il faut donc redonner une bonne dose de démocratie au réseau, entre autres par des conseils d’administration qui comptent sur la participation de la population et des travailleuses et travailleurs.

    Ensuite, il faut bien admettre que l’austérité est la cause principale des problèmes qu’on vit et qu’on n’arrivera pas à implanter des changements structurants sans remettre dans le réseau les montants qui ont été économisés sur notre dos. Depuis la réforme Barrette, les gouvernements ont récupéré plus de 10 milliards de dollars dans les établissements publics. Ce manque à gagner cumulatif des établissements publics depuis 2013-2014 pèse sur le dos du personnel. Voilà où se trouve l’argent pour améliorer nos conditions de travail et nos salaires ! Voilà la solution pour se donner les moyens de convaincre les gens de venir travailler dans le réseau et d’y rester !

    Et finalement, le rapport montre toutes les lacunes qu’on vit en santé et sécurité au travail. Ces lacunes ont pour conséquence que plus de 13 600 travailleuses et travailleurs du réseau ont été infectés dans la première vague et que certains sont décédés. Si ce n’est pas assez pour faire comprendre au gouvernement qu’il faut faire mieux, qu’est-ce que ça va prendre ? La solution est pourtant aussi apparente que le nez au milieu de la figure. Il faut rehausser les mesures de protection et de prévention du personnel, notamment en rendant disponible le masque N95. Il faut aussi réformer le régime de santé et sécurité au travail pour donner tous les outils au réseau pour agir en prévention.

     

    Un énième rapport critique de la Protectrice du citoyen

    Le rapport annuel de la Protectrice du citoyen note plusieurs lacunes dans le réseau :

    • manque d’hébergement approprié pour les personnes souffrant de déficiences,
    • impact du manque de personnel et de formation dans les centres jeunesse,
    • problème d’accès au réseau pour les enfants nés au Québec du fait du statut migratoire précaire de leurs parents,
    • violence croissante dans les unités psychiatriques,
    • offre insuffisante en soins à domicile,
    • manque de personnel dans les CHSLD et les centres d’hébergement privés,
    • manque de places dans les CHSLD

    Ce rapport écorche le gouvernement en mentionnant que la crise que nous vivons dans le réseau était prévisible. Tous ses rapports des dernières années pointent dans la même direction : notre réseau est assoiffé et le personnel est à bout de souffle. Mais si le gouvernement n’a pas le courage d’appliquer les solutions qu’on propose, on risque fort de relire les mêmes conclusions l’an prochain.

     

    Le fameux débat des transferts fédéraux

    Pour finir ce tour de pistes des éléments marquants de cette semaine occupée en santé et services sociaux, il faut revenir sur le discours du Trône au fédéral. Les provinces avaient demandé à Ottawa d’augmenter les transferts fédéraux en santé. Avec le temps, le fédéral s’est déresponsabilisé du financement de la santé. Il est clair qu’il faut augmenter les transferts fédéraux. Malheureusement, le gouvernement fédéral a encore une fois refusé cette demande historique des provinces.

    Ce qui est bien triste dans ce débat, c’est de voir nos gouvernements tenter de mettre la faute des failles du réseau sur l’autre. Bien sur que les transferts fédéraux sont insuffisants et qu’il faut les augmenter, mais le Québec n’a visiblement besoin de personne pour ne pas répondre aux besoins de la population en démantelant son réseau public de santé et de services sociaux. Les scandales des dernières années illustrent l’échec des politiques d’austérité préconisées par nos gouvernements à Québec. D’ailleurs, la dernière fois que le fédéral a transféré des sommes importantes pour la santé, le gouvernement libéral de l’époque avait… baissé les impôts et continué de couper dans le réseau public.

    Le gouvernement fédéral doit prendre ses responsabilités et augmenter les transferts fédéraux, mais le gouvernement du Québec doit de son côté livrer la marchandise. Et pour ça, il doit avoir le courage de faire ce qu’il faut :

    • Combler le manque à gagner dans le financement du réseau depuis l’austérité libérale dès la prochaine mise à jour budgétaire.
    • Revoir l’organisation du réseau pour miser sur la décentralisation, la démocratisation et l’autonomie des équipes.
    • Améliorer les conditions de travail et les salaires des travailleuses et travailleurs.
    • Nationaliser les CHSLD privés et mettre fin à l’illusion du privé en santé.
    • Réformer rapidement notre régime de santé et sécurité au travail pour donner tous les moyens au réseau d’agir en prévention.

    Jeff Begley, président de la FSSS-CSN