Veut-il donner les moyens aux travailleuses et travailleurs au front de traverser la période intense qu’ils vont vivre au cours de cette crise OU veut-il profiter de cette crise pour repousser les prochaines négociations du secteur public après les élections en négociation à toute vitesse les négociations en cours ?
Une crise après la crise
Vous savez, à la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN), après des années de conditions qui se détérioraient dans le réseau, nous avions des demandes importantes pour redresser la situation pour la négociation 2020. La crise de la COVID-19 apparaît alors que le réseau était déjà en crise, une crise d’épuisement généralisé du personnel. D’ailleurs plusieurs pourraient se dire : « profiter de la crise de la COVID-19 : le gouvernement et la population ont absolument besoin de vous ! » Nous ne sommes pas de cet avis. Comme le personnel des réseaux était déjà très fatigué avant l’arrivée de cette crise sanitaire, nous devons nous concentrer sur les conditions particulières et extraordinaires pour soutenir nos membres pendant cette période.
Penser à l’avenir de notre réseau et pas aux prochaines élections
Nous pensons que le premier ministre Legault devrait en penser autant. Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à le penser. Michel David, au début de cette semaine, a écrit une chronique qui exprimait plusieurs points que nous partageons. Citons deux extraits :
« Pour des raisons difficiles à comprendre, si ce n’est d’en tirer un avantage politique, le gouvernement a plutôt décidé de lancer un blitz de négociations dans le but d’en arriver à un règlement dans un temps record. On peut comprendre qu’il ne souhaite pas que la prochaine campagne électorale soit perturbée par une mobilisation syndicale, mais ce n’est surtout pas le moment de donner un motif d’insatisfaction supplémentaire à nos « anges gardien(ne)s », de qui on exige présentement beaucoup. »
Et en conclusion, M. David dit : « Le premier ministre assure qu’il n’imposera pas un règlement de force. Cela est bien le moindre, mais c’est comme s’il reprochait aux syndicats de ne pas se laisser bousculer par les événements. Les prochaines conventions collectives continueront de s’appliquer alors que la crise sera passée depuis longtemps. Comment leur reprocher de penser à l’avenir quand M. Legault a lui-même son échéance électorale à l’esprit ? Pour le moment, les uns et les autres devraient plutôt se concentrer sur le présent. »
Diviser pour mieux régner au temps du coronavirus
Autre petite tendance qui donne l’impression que le premier ministre joue, plus ou moins subtilement, le jeu de la division. Il laisse sous-entendre qu’il y a du monde important dans le réseau et du monde accessoire. En temps normal de négociation, cette tactique fait partie de la stratégie classique du manuel de négociation des gouvernements.
Ce que ces temps exceptionnels montrent plus que jamais, c’est que c’est par la mobilisation de l’ensemble du personnel du réseau que nous passerons au travers. Si vous pensez que les personnes à l’entretien ménager ne sont pas au front, c’est que vous ne comprenez pas la nature de la crise qui commence. Même chose pour le personnel au retraitement des dispositifs médicaux. Si vous pensez que les agentes administratives, le personnel de l’administration et les secrétaires médicales ne sont pas essentiels dans ce temps de grand chambardement, c’est parce que leur travail est souvent invisible, mais non moins essentiel. Tout le monde peut facilement comprendre que le travail du personnel des buanderies est actuellement essentiel, comme celui de ceux et celles qui s’occupent de fournir les repas aux usagers. En période de stress, les intervenants sociaux sont plus que nécessaire. Et alors qu’on doit tester à grande échelle, le personnel des laboratoires est vraiment mis à contribution.
Des mesures immédiates pour faire face à la COVID-19
Quel type d’aide sera nécessaire pour aider le personnel à traverser la crise ? Voici un exemple parmi tant d’autres. Une partie importante de nos membres, afin d’éviter des frais de stationnement, vont prendre le transport en commun ou faire du covoiturage. Si ces méthodes sont plus que bienvenues en temps normal, elles augmentent les risques actuellement. Pour les bas salariées des réseaux, les frais de stationnement sont souvent un fardeau très important. Alors que les travailleuses et travailleurs du réseau devraient éviter les rassemblements, il nous semble un minimum d’offrir le stationnement gratuit pour l’ensemble du personnel pendant l’urgence sanitaire. Il y a d’autres exemples de mesures à prendre pour protéger le plus possible tout le personnel pour qu’il puisse assurer la continuité des soins et des services dans ces temps difficiles. Autre exemple : l’employeur doit fournir rapidement les équipements de protection, fournier et laver les uniformes sur place et retirer le personnel à risque, sans perte de traitement.
Finalement, vous avez parlé publiquement d’une prime « COVID-19 » pour le personnel du réseau. Vous semblez vouloir restreindre cette mesure à quelques titres d’emploi, qui travaillent à quelques endroits « stratégiques ». Grave erreur. Nous avons besoin de tout le monde pour la durée de la crise. Ce n’est pas l’heure d’user de stratégie de division, c’est plutôt l’heure de la solidarité de l’ensemble du réseau.
Si vous êtes sérieux M. le premier ministre, lorsque vous envoyez des fleurs au quotidien au personnel du réseau lors de vos conférences de presse, nous vous demandons de le démontrer au cours des prochaines heures, maximum au cours des prochains jours, en s’entendant avec nous pour les mesures qui vont soutenir tout le personnel pendant cette période difficile. Une fois la crise terminée, nous allons nous asseoir avec le gouvernement pour voir la suite des choses. Présentement, l’heure est à prendre soin du personnel qui sont au front pour soigner et offrir des services à la population et mettre en place des mesures urgentes pour passer à travers cette crise.
Jeff Begley