Dans un jugement d’une importance capitale pour tous les groupes d’employés soumis à des conditions de travail indécentes et discriminatoires en raison de leur embauche par une agence de personnel plutôt que par leur véritable employeur, la Commission des relations du travail (CRT) a tranché en faveur des travailleuses et a reconnu le Centre de réadaptation Lisette-Dupras, à Montréal, comme étant leur employeur de fait.
La décision vient marquer une limite au recours aux agences de personnel dans le but d’éviter, à des employeurs, de faire face à leurs obligations. Le centre doit maintenant réparer les torts qu’il a fait subir à ces travailleuses et les intégrer dans son personnel régulier. Elles doivent donc retrouver leurs emplois et bénéficier des mêmes droits que les autres travailleuses du centre.
Un quart de siècle d’injustice
Pour Gérard Notebaert, avocat de la CSN qui représentait les travailleuses d’une des agences impliquées dans cette cause, les critères pour faire reconnaître un employeur véritable dans les cas d’utilisation d’agences de personnel doivent être connus par tous les syndicats, car ils sont les premiers à pourvoir agir dans une situation semblable.
«Ce cas, nous l’espérons, représente un cas unique, car cet abus a perduré plus de 25 ans sans que les syndicats concernés n’interviennent, déplore-t-il. S’est-il agit, ici, de laxisme ou d’ignorance ? Dans tous les cas de figure, quelqu’un n’a pas fait son travail », renchérit le juriste.
Rappel des faits
Ces travailleuses œuvraient au centre depuis de nombreuses années, certaines depuis plus de 25 ans, à titre d’intervenante en milieu de vie ou de préposée aux résidents. Elles y étaient référées par une fausse « agence de personnel ». Cette situation a fait en sorte que le centre a ainsi évité, pendant toutes ces années, d’appliquer les conditions de travail négociées pour les autres travailleuses et travailleurs.
Le CR Lisette-Dupras a congédié 130 des 160 travailleuses visées par une requête pour déterminer leur véritable employeur en mars dernier.
Les travailleuses « d’agence » étaient payées 12 $ et 10 $ de l’heure pour un travail qui en valait entre 17 $ et 19 $ de l’heure. Elles n’ont jamais eu droit au régime de retraite et aux autres avantages de leur consœurs et confrères du secteur public.
L’entrée en scène de la CSN
Ces travailleuses ont eu à combattre les préjugés de leur ancien syndicat, à demander l’aide du syndicat du CR Lisette-Dupras qui n’a pas voulu agir, a persévérer malgré les menaces constantes que laissait planer l’employeur. Devant la perspective de se retrouver sans emplois, sans véritable représentation syndicale, elles ont finalement cogné à la porte de la CSN qui a accepté de défendre leur cause. C’est donc saisi, par la CSN, des véritables enjeux derrière cette cause, que le syndicat du Centre de réadaptation a finalement accepté de défendre ces travailleuses et ces travailleurs conjointement avec la CSN.
Pour Josette Côté, conseillère au service de la syndicalisation de la CSN, c’est une victoire concernant le sort réservé aux travailleuses d’agence.
« Cette décision vient mettre fin à un subterfuge qui représente une réelle menace contre les droits des travailleuses et des travailleurs. Souhaitons maintenant que le gouvernement légifère au plus vite comme le demandent les groupes de défense des non-syndiqués et les syndicats pour fermer la porte, une fois pour toute, à ce genre de contrats honteux et discriminatoires » espère-t-elle.
La CSN souhaite bonne chance à ces travailleuses maintenant légalement représentées par le syndicat du centre de réadaptation Lisette-Dupras, qui doit maintenant s’assurer de leur pleine réintégration.
Plainte à la Commission des droits
Ce groupe, composé à très forte majorité de femmes immigrantes (76%) a aussi porté plainte à la Commission des droits de la personne pour discrimination systémique et réclame réparation. Ce dossier suit toujours son cours.