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    • 24 NOV 16
    CHSLD : les forcer à investir pour nos aîné-es

    La semaine dernière se tenait le forum du ministre Barrette sur les meilleures pratiques dans les CHSLD. Que devons-nous retenir de cet exercice?

    D’abord, que la pression populaire que nous avons mise avec nos syndicats et la société civile force le gouvernement Couillard à réinvestir, de manière bien insuffisante malheureusement, dans les soins en CHSLD. Ensuite, qu’il reste encore beaucoup de travail à faire pour susciter la volonté politique à mettre en place les solutions pourtant connues pour améliorer les soins aux aîné-es au Québec.

    Un forum entre le théâtre du ministre Barrette et des signaux positifs pour l’avenir

    Comme plusieurs, nous avons d’abord été étonnés que la question des soins de longue durée, tant en CHSDL qu’à domicile, fasse l’objet d’une énième consultation. Non pas parce que les problématiques soulevées ne sont pas réelles et importantes, mais parce que les réponses existent dans nombre de rapports qui ont été produits ces dernières années et qui ont été portés à la connaissance de l’actuel gouvernement.

    Les mesures à mettre en place sont identifiées et elles s’appuient, pour la plupart, sur la recherche et des données probantes. En somme, la question n’est pas tant d’identifier ce qu’il faut faire pour améliorer les soins aux aîné-es, mais plutôt de savoir quand il y aura une réelle volonté politique de le faire.

    Est-ce que le forum du ministre Barrette répond aux préoccupations des aîné-es et du personnel des CHSLD? Non. Le réinvestissement annoncé est un début plutôt timide après des coupes draconiennes sous le règne du gouvernement Couillard.

    Cela permettra tout de même de donner un peu d’air aux équipes soignantes des CHSLD. Après des années où les actions gouvernementales ont eu pour effet de mettre les catégories d’emploi  les unes contre les autres, le forum donne des indications que le ministère, avec le ministre en tête, prônera le travail de l’équipe interdisciplinaire, en incluant les compétences de chacun de ses membres. Si le ministre est sérieux dans cette démarche, c’est une très bonne nouvelle! Le travail d’équipe dans les établissements, avec la contribution des infirmières, des infirmières auxiliaires et des préposé-es aux bénéficiaires, est un élément qui permettra d’améliorer les soins aux ainé-es. Venant d’un ministre qui semble faire la promotion d’un corporatisme à outrance, cette ouverture fut certainement la surprise de la journée.

    Avec ces annonces, nous comprenons que le PLQ prépare sa stratégie pour les prochaines élections. Après avoir coupé comme jamais dans nos services publics, il annoncera des réinvestissements qui ne couvriront pas l’ampleur des compressions des dernières années. Espérons que la population ne sera pas dupe face à cette opération!

    Le Québec, cancre du financement des soins de longue durée

    Est-ce que les annonces du ministre Barrette permettront de changer le paradigme des soins aux aîné-es au Québec? Nous avons bien peur que non. Et voici pourquoi.

    Le Québec et le Canada font partie des mauvais élèves mondiaux pour ce qui est du financement des soins de longue durée, en CHSLD et dans les soins à domicile. Et les annonces du ministre Barrette ne permettront certainement pas de rattraper ce retard.

    Si au Québec nous faisions le choix d’investir en soins de longue durée au même niveau que la moyenne des pays de l’OCDE, donc 1,7 % de notre PIB, ce qui demeure loin des pays comme les Pays-Bas (4,3 %), de la Suède (3,2 %), de la Norvège (2,4 %), du Danemark (2,3 %), de la Finlande (2,2 %) et du Japon (2,1 %), nous devrions ajouter aux investissements actuels une somme de près de 2 milliards de dollars. Bien loin du maigre 65 millions de dollars annoncé par le ministre Barrette…

    Pour changer le paradigme dans lequel nous nous trouvons et véritablement améliorer de façon significative les soins aux aîné-es, ce sont des sommes beaucoup plus importantes qui sont nécessaires. Si nous voulons par exemple répondre aux besoins des plus de 3500 personnes qui sont actuellement en attente d’une place d’hébergement en CHSLD, il faudra investir davantage.

    Et il ne faut pas oublier que le réinvestissement annoncé intervient dans un contexte où le gouvernement continue d’imposer des millions de dollars de compressions au réseau de la santé et des services sociaux.

    Développer les équipes pour répondre aux besoins

    Tant en CHSLD qu’en soutien à domicile, il est urgent de développer les équipes pour dispenser les soins et les services en nombre suffisant sur le terrain.

    Pour y parvenir, l’objectif devrait d’abord et avant tout de combler l’ensemble des besoins correspondants aux profils de perte d’autonomie des usagères et usagers. Nous disposons d’outils d’information clinique qui doivent servir à orienter les usagers vers les ressources appropriées et ainsi permettre de doter les ressources de l’ensemble du personnel requis.

    Le ministère dispose de tous les outils requis pour mettre un terme au manque chronique de personnel sur le terrain, lequel entraîne un épuisement et une dévalorisation du travail qui vont grandissant d’année en année. En 2015 seulement, les coûts en assurance salaire ont atteint 412 millions de dollars, somme qui double pratiquement si on tient aussi compte des coûts de la CSST.

    Doter les équipes du niveau de personnel suffisant pour répondre aux besoins réels des personnes en perte d’autonomie et accroître de manière importante l’autonomie des équipes sur le terrain sont deux manières d’améliorer concrètement les soins aux aîné-es.

    Identifier les réels problèmes

    Ce qui devient de plus en plus clair, c’est qu’il faut repenser les investissements que nous faisons dans le réseau de la santé et des services sociaux pour améliorer le financement des soins aux aîné-es, aussi bien dans les soins de longue durée que dans les soins à domicile.

    Rappelons que c’est au Québec que les investissements en santé par habitant sont les moins élevés au pays. De plus, les sommes allouées à la santé sont, de manière disproportionnée, consenties aux volets médicament et médical. On ne s’étonnera donc pas de constater un problème chronique et majeur dans le financement des soins de longue durée.

    Nous intervenons justement depuis plusieurs années pour mettre de l’avant des solutions qui permettraient d’économiser des millions de dollars pour mieux financer les soins à la population. Il ne sera pas possible d’améliorer significativement les soins aux aîné-es sans s’attaquer à ces solutions.

    Financer des réinvestissements à même les coupes budgétaires des dernières années, ce n’est certainement pas l’idée du siècle, mais c’est pourtant celle préconisée par le ministre Barrette. Un gouvernement courageux qui aurait à cœur les soins aux aîné-es s’attaquerait plutôt au mode de rémunération des médecins et à la question des médicaments. Ici comme ailleurs, la balle est dans le camp du gouvernement.

    Guy Laurion et Jeff Begley