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    • 31 AOÛT 20
    COVID : Deuxième rapport étape des interventions en SST

    La FSSS-CSN produit son deuxième rapport étape des interventions menées en santé et sécurité au travail (SST) depuis le début de la pandémie de COVID-19.

    Dans le précédent rapport étape de la pandémie, nous évoquions les décisions idéologiques et politiques des derniers gouvernements au pouvoir. Austérité, coupures, multiple réformes et l’hypercentralisation de la gestion du réseau de la santé et des services sociaux, la pandémie a frappé fort à un moment où le réseau était dans un état critique. Les décisions gouvernementales des dernières années ont aussi bien mal préparé le réseau des services de garde éducatifs à faire face à cette pandémie. Le résultat à ce jour, 13 600 travailleuses et travailleurs du réseau de la santé et des services sociaux ont été atteints de la COVID-19 dont neuf, à ce jour, au prix de leur vie.

     

    Pourquoi une crise d’une telle ampleur ?

    Plusieurs constats et hypothèses

    Il est facile de constater que le réseau n’était pas prêt à affronter une telle pandémie. Sans plan stratégique efficace pour y faire face, malgré qu’un plan de lutte en prévision d’une pandémie ait été déposé sous le gouvernement Couillard en 2006, rien n’a été mis en place. La pandémie a débuté en pleine pénurie de personnel et d’équipements de protection individuelle. Deux éléments essentiels pour protéger la population et les travailleuses et travailleurs du réseau.

    De plus, pour ajouter au problème, un débat scientifique quant au mode de transmission du virus fait rage depuis le début. D’un côté, dont l’OMS et le Centers for Disease Control and Prevention (CDC) et d’autres prétendent que le virus se propage de manière prédominante par gouttelettes/contact. De l’autre, et de plus en plus de voix s’élèvent en ce sens, prétendent que le virus se propage aussi par voie aérienne. Ce débat scientifique a une forte incidence sur la prévention de la santé des travailleuses et des travailleurs puisque les mesures de protection et le type d’équipement de protection individuel sont fort différents selon le mode de transmission du virus.

    L’INSPQ

    L’INSPQ base ses recommandations notamment à partir des données scientifiques de l’OMS et le CDC. Malgré le manque de consensus scientifique à l’égard du mode de transmission et malgré que les voix s’élèvent concernant ce mode de transmission, l’INSPQ demeure sur ses positions.

    Nous avons aussi constaté que depuis le début de la crise, l’INSPQ a révisé à maintes reprises ses évaluations et recommandations concernant le niveau de protection des travailleuses et travailleurs passant du meilleur au pire. De l’aveu même de celle-ci, en réponse à une demande de révision de leur position sur le mode de transmission et de protection individuelle en mai, l’institut répond que « les comités doivent tenir compte également des enjeux d’approvisionnements et c’est pourquoi plusieurs alternatives ont été regardées dans un contexte de pénurie d’équipements de protection individuelle ». C’est un non-sens.

    La CNESST

    Devant l’ampleur de cas positifs au sein du personnel, nous avons martelé le message à maintes reprises via nos canaux de communications avec la CNESST et la DNSPQ, que les moyens de protection des travailleuses et travailleurs n’étaient pas adéquats. Nous avons demandé que les équipes d’inspections-prévention appliquent, parce qu’il n’y a pas de consensus scientifique sur le mode de transmission, le principe de précaution lors des interventions en milieu de travail et considèrent aussi la possibilité d’une transmission par voie aérienne.

    La CNESST continue de se coller aux recommandations de la santé publique faisant fit du fait que 24 % des cas atteints de la COVID au Québec sont des travailleuses et travailleurs de la santé. À cela, nous considérons que la CNESST ne joue pas son rôle pour protéger le personnel soignant. Si on peut faire un parallèle, c’est comme si la CNESST arrivait sur un chantier de construction et disait aux travailleurs de continuer à travailler dans les échafaudages sans casque ni harnais de protection parce qu’il n’y en a plus de disponible même si ça représente un danger. Imaginez le tollé que ça soulèverait au sein du secteur de la construction !

    Nous considérons qu’il n’est pas normal que la CNESST fasse de la gestion de risque, ce n’est pas son rôle. Son rôle est de s’assurer de la protection des travailleurs. Elle a tous les pouvoirs pour le faire, mais ne semble pas avoir la volonté politique de le faire. Le résultat est catastrophique pour le personnel de la santé.

    L’absence d’une culture SST

    De manière générale, le réseau de la santé et des services sociaux et celui des services de garde éducatifs ont aussi dû faire face à la crise sans que tous les moyens de prévention ne soient déployés. En effet, ces secteurs ne font pas partie des secteurs prioritaires au sens de la LSST et donc, les mécanismes prévus pour ces secteurs ne sont pas déployés. Si cela était inexcusable avant la pandémie, considérant les piètres résultats en prévention, ce l’est d’autant plus aujourd’hui, alors même que l’on constate les dégâts engendrés par la COVID-19, conséquence de l’absence d’une culture de prévention.

    Le ministre du Travail, M. Jean Boulet, devait déposer une réforme du régime de SST au printemps. Le dépôt du projet a été reporté en raison de la crise. Il est impératif qu’une réforme soit initiée rapidement et qu’elle permette de déployer tous les mécanismes de prévention dans les milieux de travail.    

     

    Préparation de la deuxième vague

    La FSSS-CSN réclame le principe de précaution

    Dans les circonstances actuelles et considérant qu’il n’y a pas de consensus scientifique sur le mode de transmission, la FSSS-CSN réclame que la protection des travailleuses et travailleurs se fasse en respect du principe de précaution (tiré du site de l’INSPQ).

    La prévention et la précaution se distinguent par le niveau de certitude qui entoure les risques considérés. Ainsi, la prévention cherche à éviter des risques avérés, soit des risques connus, éprouvés et associés à un danger établi dont l’existence est certaine et reconnue comme étant authentique. Quant à la précaution, elle vise à éviter des risques potentiels, soit des risques mal connus, objets d’incertitude et associés à un danger hypothétique, mais plausible.

    Le fait de privilégier une approche préventive (proactive plutôt que réactive) face aux risques est entièrement cohérent avec les valeurs fondamentales de la santé publique. L’application de la précaution est justifiée dans un contexte d’incertitude scientifique, lorsque des preuves raisonnables indiquent que la situation pourrait générer des effets nocifs importants sur la santé, même lorsque les mécanismes causaux et les effets n’ont pas été démontrés scientifiquement à cause d’informations incomplètes, peu concluantes ou incertaines.

    La précaution fournit donc des indications sur la voie à suivre lorsque la science ne peut apporter de réponses suffisantes et précises. Toutefois, la précaution n’offre pas une alternative à la science ; elle exige, au contraire, beaucoup de rigueur dans son application.

    Depuis plusieurs mois, nous réclamons à l’INSPQ, à la DNSPQ et la CNESST d’utiliser le principe de précaution, mais malheureusement ils ont refusé de le faire, malgré que leur principal mandat soit de protéger la population et les travailleurs, malgré que mondialement de plus en plus de voix s’élèvent pour dire que l’on doit considérer que le virus peut aussi se transmettre par voie aérienne et d’utiliser par précaution les moyens de protections qui s’imposent. Par ailleurs, 239 chercheurs du monde entier ont demandé récemment à l’OMS de reconnaître ce risque, ce que l’OMS a fait peu après. Maintenant que l’OMS reconnait elle-même le risque d’une transmission par aérosol, cela doit mener les institutions québécoises à en faire de même.

    Faire volte-face serait faire admission qu’ils se sont trompés et que la crise a été mal gérée, ce qui est pourtant indéniable. Nous n’avons qu’à regarder comment la question du masque dans la population a été menée. En tout début de crise, le Dr Arruda clamait qu’il était « dangereux » de porter un masque en public. Pourtant, depuis le 18 juillet 2020, le port du masque est devenu obligatoire. On peut comprendre pourquoi il y a une perte notable de confiance envers cette institution, notamment dans le milieu de la santé.

    Force est de constater que la gestion des équipements de protection individuelle est devenue plus politique qu’autre chose. Et ce sont les travailleuses et travailleurs qui en paient le prix de leur santé.

    Nous continuons de soutenir les syndicats en vue de la deuxième vague. Le principe de précaution doit être appliqué partout. Bien que par précaution un appareil de protection respiratoire (N95) soit nécessaire, plusieurs autres alternatives peuvent être utilisées par principe de précaution. L’aération adéquate des milieux où il y a une charge virale importante, l’obligation du port du masque de procédure aux patients, des lits de soins sous cloches, SAS, d’entrée-sortie, etc. Toutes les barrières possibles peuvent être utilisées par principe de précaution. Plus il y a de barrières, moins le virus se propagera. C’est ainsi dire qu’il est possible d’appliquer une multitude de choses pour mieux protéger le personnel. Mais pour cela, il faut avoir une volonté de nos décideurs.

    D’autres mesures de protection à prévoir

    En prévision de la deuxième vague, plusieurs mesures peuvent être mises en œuvre, en plus du rehaussement du niveau de protection respiratoire. Par exemple, au CISSS de Laval, le syndicat a notamment demandé et obtenu de connaître le niveau de stocks d’EPI, de mettre en place des équipes en paire pour permettre une collaboration et surveillance du respect des procédures en duo, de même que la mise sur pied d’une équipe tactique en intervention d’urgence en cas d’éclosion, l’ajout du chapeau de protection, l’abolition de certaines chambres en CHSLD pour les convertir en buanderie sur chaque étage, en salle de repos, en salle pour les médecins, afin de limiter les contacts et le va-et-vient de matériel, la mise en place de zones sécurisées d’entrées et sorties directement des zones rouges, une procédure de test hebdomadaire, la conversion des postes en temps complet.

    Recours

    La FSSS, face à la crise et à l’inaction des employeurs, a décidé de mettre en place une stratégie d’intervention basée sur un avis juridique obtenu par le service juridique de la CSN. Des lettres, demandes d’accès à l’information et questionnaires ont été envoyés aux employeurs dans les établissements où il y a eu un nombre élevé d’infections parmi le personnel et, dans certains cas fort malheureux, des décès. Sur la base des réponses obtenues, des plaintes générales ont été déposées à la CNESST. En fonction des réponses qui seront obtenues, des recours seront entrepris, dans le but d’obtenir la mise en place de mesures de prévention réellement efficaces en prévision d’une éventuelle deuxième vague. Au cours des prochaines semaines, d’autres recours pourront être entrepris, une équipe de veille juridique ayant été mise sur pied à cet effet.

    Par cette démarche, la FSSS vise non seulement un renforcement de la prévention dans les syndicats qui ont été identifiés pour mener les recours, mais aussi dans tous les syndicats de la FSSS.

    Attention ! Attention ! Nous savons que plus de 13 600 travailleuses et travailleurs de la santé ont été infectés par la COVID-19. Et ces chiffres ne représentent qu’une partie de la réalité, puisqu’ils ne comprennent pas les cas qui proviennent des secteurs privés de la FSSS. Pourtant, le nombre de réclamations déposées à la CNESST dépasse à peine les 6500. Il y a donc une importante sous-déclaration des cas. C’est un problème d’autant plus sérieux que nous commençons à peine à comprendre les conséquences à long terme d’une infection à la COVID-19. Des études ont démontré des séquelles permanentes au niveau cardiaque, pulmonaire et neurologique. La prudence commande donc de déposer une réclamation. Le tout peut se faire en ligne et on peut le faire jusqu’à 6 mois de la lésion.

     

    Secteurs privés

    La FSSS-CSN intervient aussi sans relâche dans les secteurs privés pour appuyer les syndicats et assurer la protection des travailleuses et travailleurs. Dans les CPE et les services de garde en milieu familial, nos efforts ont permis d’ouvrir des canaux de communication avec la CNESST et la santé publique. Il a fallu être vigilant suite à l’annonce de la fin des services de garde d’urgence et la réouverture des services de garde avec le déconfinement. Si la question du port des équipements de protection individuelle a suscité des débats, il apparaît important pour nous de continuer d’agir pour assurer la protection des travailleuses et travailleurs. Des cas de COVID sont d’ailleurs apparus dans des CPE, montrant l’importance d’une bonne protection.

    Dans le secteur préhospitalier, les efforts ont été constants pour bien protéger les paramédics, les répartitrices et répartiteurs médicaux d’urgence et l’ensemble du personnel du secteur. Le secteur est alerte pour faire face à toute tentative de réduire les mesures de protection, tout en poursuivant la bataille pour les horaires à l’heure et en suivant de près les travaux du Comité national de transformation des services préhospitaliers d’urgence.

    Dans les centres d’hébergement privés, les ressources intermédiaires et de type familial, les organismes communautaires et les organismes privés, nous sommes aussi intervenus, à la fois pour demander la reconnaissance du personnel et pour demander l’accès aux équipements de protection individuelle. Comme dans tous les secteurs, l’enjeu du déconfinement a été suivi de près pour veiller à ce qu’ils ne se fassent pas au détriment de la sécurité des membres.

     

    Santé psychologique

    La FSSS et la CSN ont créé des outils pour intervenir en matière de santé psychologique, dans le contexte de la COVID-19.

    Ces documents ont été transmis aux syndicats par courriel :

    • Fiche signe avant-coureur symptômes dépressions à afficher dans les milieux de travail
    • Guide accompagnant la fiche pour soutenir les syndicats

     

    Nos interventions

    Suite à nos interventions, la CNESST a élaboré certains guides, notamment le :

    Aussi, pour le secteur des CPE-RSG :

    Enfin, certaines directives ont été élaborées à notre demande, portant notamment sur l’obligation de porter masques et visières, sur l’obligation de passer des tests de dépistage avant le retour au travail des travailleuses et travailleurs qui prêtent main-forte en zone chaude et pour le personnel en CHSLD.

     

    Construire le futur en prévention

    Si la COVID a eu plusieurs conséquences néfastes, elle nous aura permis de nous rappeler l’importance de la prévention en SST. Cela aura été l’occasion de partager, sur une base régulière, les défis qui se posaient à nous, notamment à travers nos échanges sectoriels hebdomadaires. Cet exercice, bien qu’exigeant, s’est révélé fort enrichissant pour toutes et tous.

    C’est pourquoi, deuxième vague de COVID ou non, nous avons l’intention de poursuivre cette façon de faire cet automne. S’il s’agit de répondre à une deuxième vague de COVID, nous serons au rendez-vous. Si cette deuxième vague ne survient pas, nous pourrons alors nous concentrer sur la construction d’une culture de prévention forte et durable dans tous les secteurs de la fédération, en partageant nos bons coups et en comptant les uns sur les autres pour faire avancer la prévention.

     

    Conclusion

    Il est fort probable, selon les experts, que nous connaîtrons une deuxième vague de la pandémie. Deuxième vague qui arrivera dans des réseaux qui seront encore fragilisés. Les travailleuses et travailleurs déjà exténués physiquement et psychologiquement n’auront pas pu récupérer pleinement pour affronter une deuxième vague. Bien que nous savons par exemple que les nouveaux préposé-es aux bénéficiaires arriveront, le manque d’expérience de ceux-ci, bien que ce ne soit pas intentionnel, exercera quand même une surcharge sur les équipes de travail. À cela, la négociation dans le secteur public et dans certains secteurs privés ajoute à la pression ressentie chez nos membres. Dans un moment où toute l’énergie doit être déployée à se protéger et protéger la population, les travailleurs devront en plus se battre pour leurs salaires et conditions de travail. Tout un cocktail !

    Qu’à cela ne tienne, que ce soit à travers nos canaux de communications, les recours, nos mobilisations et nos interventions publiques, nous continuerons sans relâche de déployer tous les efforts nécessaires pour faire en sorte de soutenir les syndicats pour que nos membres soient protégés et puissent travailler dans des conditions sécuritaires.

    Nous considérons que les organismes qui devraient en principe nous protéger ont failli à la tâche. Nous continuons et continuerons a dénoncé les failles, inactions, manque de volonté politique de ses organisations et ferons tout le nécessaire pour rectifier le tir pour que les travailleuses et travailleurs du réseau puissent travailler l’esprit tranquille sans entrer au travail la peur au ventre comme dans les derniers mois.

    Ce travail colossal est possible que par l’action de tous, syndicats, personnes conseillères et élu-es. Notre détermination à vouloir créer des milieux de travail sain et respectueux pour nos membres est exceptionnelle et c’est ensemble que nous parvenons à le faire. Je tiens, sans flagornerie, à vous remercier pour tout le travail accompli jusqu’à présent et celui à venir. Je sais que les conditions dans lesquelles nous œuvrons présentement ne sont pas toujours adéquates, mais malgré tout la masse de travail et sa qualité n’en ont pas été altérées et vous répondez toujours présent. C’est admirable, merci !

    Judith Huot, vice-présidente de la FSSS-CSN