Des responsabilités à prendre et des choix de société à faire
Les médias ont fait cette semaine la démonstration attristante des problèmes survenant dans différents CHSLD au Québec. De la question de la piètre qualité de la nourriture servie en passant par le manque d’inspecteurs et les durs constats dans les rapports d’inspection, les CHSLD sont happés de plein fouet par une crise de fond. Mais cette crise, si elle s’est concrétisée cette semaine par les interventions médiatiques, était connue du milieu depuis bien longtemps.
Situation en CHSLD : une tendance qui perdure depuis trop longtemps
La situation actuelle nous mène à réfléchir plus largement à la place que nous accordons comme société au vieillissement de notre population. On nous rappelle depuis plusieurs années que la population vieillit et que le phénomène est appelé à accélérer dans les années qui viennent. Alors qu’en 2005, 13,7 % de la population était âgée de 65 ans et plus, ils étaient en 2010 plus de 15 %.
Ce phénomène démographique incontournable appelle des moyens collectifs qui ne suivent pourtant pas. Actuellement, il manque de places dans les CHSLD. Alors qu’en 2006, il y avait 3,97 lits dressés en CHSLD pour 100 personnes de 65 ans et plus, il n’y en avait, en 2010, que 3,37. Pourtant, ne disons-nous pas que la population vieillit? Ne savons-nous pas que les réalités vécues par les personnes âgées en perte d’autonomie se complexifient sans cesse? Et nous diminuons le nombre de places dans les CHSLD? Est-ce vraiment le choix de société que nous avons décidé de faire? Est-ce vraiment l’importance que nous accordons à nos aînés?
Au-delà du manque de places en CHSLD, la problématique entendue cette semaine porte essentiellement sur le traitement réservé aux personnes âgées dans les CHSLD. Il faut faire le constat dur, mais réel : nous avons de la difficulté à offrir un véritable milieu de vie aux personnes âgées vivant dans les CHSLD. Combien de temps continuerons-nous de saper dans les dépenses, de diminuer les coûts de la nourriture en servant des aliments peu désirables, d’engager insuffisamment de personnel, de telle sorte que le personnel en place ressent une pression de plus en plus forte? Le manque chronique de main-d’œuvre et les conditions difficiles dans lesquelles se réalise le travail dans les CHSLD ont un impact négatif sur la qualité des services offerts à la population. Ces situations, reconnues par le ministère, tardent pourtant à être corrigées.
Certains nous diront que la solution se retrouve dans un plus grand recours au privé. Si les rapports d’inspection des CHSLD démontrent des lacunes importantes, il faut toutefois se rappeler que ces inspections, insuffisamment nombreuses dans le public, sont absentes dans le privé. On peut donc croire que les réalités dénoncées cette semaine dans les CHSLD, non seulement existent dans le privé, mais qu’elles sont plus nombreuses. C’est du moins ce que l’on comprend en étudiant le cas du CHSLD en PPP de Saint-Lambert-sur-le-golf. Plusieurs critiques ont aussi touché ce CHSLD cette semaine, démontrant comment les considérations financières prennent le pas sur les soins à donner aux patients.
Qui est imputable?
Cette semaine, nous avons assisté à un festival du pas dans ma cour. La ministre déléguée a renvoyé la question aux agences, qui elles se sont tournées vers la ministre. Mais qui peut-on véritablement imputer pour répondre à la crise dans les CHSLD? Qui est responsable du manque de places, de l’imposition d’un mode de gestion copiée sur l’entreprise privée? Qui impose les moyens avec lesquels les joueurs du réseau doivent jouer? Qui d’autre, sinon le gouvernement du Québec et le ministère de la Santé et des Services sociaux?
Les personnes âgées méritent mieux que ce à quoi nous avons assisté cette semaine. Elles méritent que nous donnions collectivement un coup de barre pour que le réseau de la santé et des services sociaux soit à même de répondre à leurs besoins.
La nécessité d’un réinvestissement et d’une gestion humaine
Les cas dénoncés cette semaine démontrent deux choses, soit la nécessité d’un réinvestissement public et l’importance de revenir à la mission première du réseau de santé et de services sociaux : soigner des êtres humains. C’est seulement en menant de front ces deux actions que nous parviendrons à donner un milieu de vie de qualité à nos personnes âgées.
Il est temps que l’on cesse de sauver de l’argent sur le dos de nos personnes âgées. Celles-ci méritent des soins et un milieu de vie de qualité, un milieu de vie humain. Elles méritent aussi qu’on les traite comme des êtres humains, dans un réseau qui se rappelle sa mission sociale et abandonne sa lubie pour la logique comptable. La crise actuelle démontre bien les limites de l’application de cette logique comptable héritée de l’entreprise privée pour administrer une résidence de personnes âgées.
Guy Laurion
Vice-président de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN)