Dans le reportage du 11 février dernier à Radio-Canada sur le développement du privé dans la dispensation des soins à domicile, le ministre de la Santé et des Services sociaux associait la vision syndicale à de la dictature. Cette affirmation est désolante. Je crois important d’apporter quelques éléments de réflexion au lecteur.
Pour restreindre son engagement dans les soins à domicile, le gouvernement fait-il le choix d’ouvrir toute grande la porte au tiers secteur et au secteur privé?
Avant de répondre à cette question, il faut retourner en arrière et voir ce qu’étaient les soins à domicile avant l’instauration de notre réseau public de la santé et des services sociaux dans les années 1960 et 1970.
Avant l’implantation du réseau public, les services d’aide à domicile en dehors du cadre familial étaient donnés par des religieuses ou certaines agences sociales privées. En 1979, à la suite de la première politique publique de services de soutien à domicile, il y a eu embauche massive des auxiliaires familiales dans les CLSC. Aujourd’hui, nous les nommons les Auxiliaires aux services de santé et sociaux (ASSS).
Dans ce contexte, l’État assurait sa prise en charge et sa responsabilité dans la dispensation des soins à domicile. Mais celle-ci fut éphémère. Au milieu des années 1980 et jusqu’à aujourd’hui, l’État, par les choix des gouvernements en place, a ouvert la porte toute grande au tiers secteur et au secteur privé.
Au cours des dernières années, les CSSS de l’époque ont fait de plus en plus d’appels d’offres pour la dispensation de services à domicile vers le privé. Les nouveaux CISSS continuent en ce sens et on voit même une accentuation s’effectuer.
Le plan économique de mars 2015 du gouvernement Couillard confirme cette orientation à vouloir tourner le dos au public. On peut notamment y lire que : « Le plan d’action du gouvernemental en économie sociale favorisera la croissance des entreprises d’économie sociale aux différents stades de leur développement. »
Ce plan prévoit l’ajout d’une somme de 6,5 millions de dollars sur 5 ans pour la formation des préposé-es dans les entreprises d’économie sociale. À cela s’ajoute une somme de 3,5 millions de dollars afin de faciliter le développement de marchés et la commercialisation.
Est-ce un retour vers le passé dans la dispensation des services de soutien à domicile? Alors que le vieillissement de la population et l’espérance de vie augmentent, il est évident que nous allons assister à une demande accrue dans les soins à domicile dans les prochaines années. Ce désengagement de l’État arrive donc à un très mauvais moment.
Ce à quoi nous sommes en train d’assister c’est une fois de plus à un choix idéologique de nos gouvernements. Plutôt que de nous donner les moyens de donner les meilleurs services qui soient en misant sur les ressources du secteur public, on profite de l’occasion pour développer le privé. Le seul avantage de se tourner vers le privé, c’est pour économiser de l’argent sur le dos des femmes. Les conditions de travail dans le secteur privé et de l’économie sociale sont moindres à ce que nous avons réussi à obtenir par le fruit de plusieurs batailles dans le secteur public. En agissant comme il le fait, le gouvernement nous démontre une fois de plus qu’il agit contre les femmes.
Comme société, nous devons faire un choix. Un choix de donner les meilleurs services qui soient aux personnes qui ont besoin de soins à domicile. Et pour y parvenir, quoi de mieux que le public? C’est en améliorant nos services publics et les conditions de travail du personnel qu’on parviendra à coordonner les meilleurs services au sein d’équipes de soin qualifiées.
Qu’il veuille l’admettre ou non, ce que le ministre Barrette et son gouvernement sont en train de faire, c’est une fois de plus de favoriser le développement de marchés privés plutôt que de consolider nos services publics.
Guy Laurion