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    • 13 FÉV 20
    Une démocratie malade qui fait mal à nos réseaux

    Nos gouvernements ont un plan en tête. D’année en année, ils font tout ce qu’ils peuvent pour limiter l’aspect démocratique de nos services publics. C’est une raison de plus de réclamer une réforme du mode de scrutin.

    Un mode de scrutin qui permet à une minorité de gouverner au nom de la majorité

    Au Québec, nous appliquons une démocratie représentative, c’est-à-dire que nous élisons des représentants et représentantes pour exercer le pouvoir en notre nom à tous les paliers de gouvernement : au fédéral, au provincial, municipal et jusqu’au bâillon pour la réforme Roberge en éducation, scolaire.

    Et ce qu’on entend toujours, c’est que ces gens gouvernent en notre nom. Mais est-ce bien le cas ?

    Notre mode de scrutin est fortement critiqué depuis plusieurs années. Et depuis autant d’années, plusieurs gouvernements qui se succèdent promettent, en campagne électorale, de le réformer. Mais ils ne l’ont jamais fait. Ce n’est pas surprenant me direz-vous. Après tout, le mode actuel occasionne une distorsion électorale qui crée un écart entre les votes et les sièges distribués et permet à un parti de gouverner seul avec l’appui d’une minorité de la population.

    Au Québec, les 125 circonscriptions élisent pour chacune d’entre elles un député qui agira en leur nom à l’Assemblée nationale. Ils sont élus au suffrage universel selon un mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour. Ainsi, les 125 députés forment le pouvoir législatif (adoption des lois) et le parti ayant obtenu le plus de sièges forme le pouvoir exécutif (le gouvernement). C’est le premier ministre qui nomme les ministres qui formeront le conseil exécutif ou conseil des ministres.

    Or, lors d’une élection, un parti peut obtenir 60 % des sièges en ayant obtenu moins de 40 % des votes. À l’inverse, un parti peut obtenir 8 % des votes et n’obtenir aucun siège. De plus, la moyenne d’électeurs et d’électrices qui se rendent aux urnes est en deçà de 70 % depuis le début du millénaire. Pour illustrer mon propos, à la dernière élection en 2018, le gouvernement de la CAQ a obtenu 74 sièges avec 37,42 % des votes, alors que seulement 66,4 % des électeurs ont voté. Résultat : le gouvernement de la CAQ gouverne avec l’assentiment de seulement 24,46 % de la population du Québec.

    Est-ce représentatif et avons-nous réellement des élu-es qui gouvernent ou exercent leur pouvoir législatif entre notre nom ? La question se pose. Comment cela se traduit-il pour les travailleuses et travailleurs du réseau de la santé et des services sociaux et des services de garde éducatifs ainsi que pour les usagères et usagers.

    Une défaillance de notre démocratie qui se répercute sur nos réseaux

    L’état actuel des réseaux est sans contredit mal en point. Chercheurs, organisations syndicales… tous s’accordent sur les mêmes points. Les coupes imposées par les mesures d’austérité et les réformes successives imposées par bâillon ont des conséquences sur la prestation de services dans nos réseaux.

    Pour moi, le bâillon est un déni de démocratie, une façon de couper court ou à tout le moins réduire au maximum les débats. Le processus démocratique est ainsi bafoué et le parti au pouvoir fait passer des projets de loi impopulaires et très souvent désastreux pour la population. Les deux réformes qui ont réorganisé le réseau de la santé et des services sociaux en sont un bon exemple. On peut se rappeler notre slogan de 2003 : on n’a pas voté pour ça !

    La réforme Barrette a été adoptée sous le bâillon par le précédent gouvernement. Notre réseau peine encore à se relever. Non seulement parce que tout est désorganisé et que le personnel est à bout de souffle, mais aussi parce que cette réforme faire taire la population. N’oublions pas que cette réforme a réduit drastiquement le nombre de C.A. et qu’il est beaucoup plus difficile pour la population et le personnel de s’y faire entendre. C’est dire à quel point les gouvernements qui veulent s’attaquer à nos services publics doivent réduire sans cesse les espaces démocratiques.

    Et l’actuel gouvernement qui réagissait fortement aux bâillons libéraux n’hésite pas les utiliser maintenant au pouvoir ! La réforme en éducation, que plusieurs voient à raison comme la réforme Barrette de l’éducation, a été adoptée sous le bâillon.

    Et que dire des décrets de convention collective ? Plus le temps avance, plus le pouvoir exécutif de l’Assemblée nationale se mêle sans vergogne de la négociation des conventions collectives tant dans les services publics et que dans le secteur privé. La menace ou le recours à un décret pour imposer les conditions de travail est devenue monnaie courante. On peut penser au décret de 2005 dans la santé, au régime de retraite des employé-es municipaux pourtant négocié de bonne foi et entériné par les deux partis. Et tout dernièrement, on peut parler du dossier d’ABI où le ministre du Travail et le premier ministre ne se sont pas gênés pour commenter et intervenir dans une négociation du secteur privé.

    Réformer notre mode de scrutin pour freiner l’offensive patronale contre nos conditions

    Que doit-on s’attendre des négociations dans nos secteurs ? Dans la prochaine année à la FSSS-CSN, trois de nos secteurs privés seront en négociation ainsi que le secteur public. Nous espérons que le gouvernement laissera la place à la négociation qui est un droit acquis et nous laissera exercer notre rapport de force sans imposition de leur part et faire ainsi place à un déni de démocratie.

    Il est plus que temps qu’il y ait une réforme du mode de scrutin au Québec. Le modèle actuel n’est pas représentatif de la majorité de la population et sert les partis au pouvoir. Il n’y a pas de modèle parfait, mais nous devons avoir une représentativité plus juste des citoyens et citoyennes. C’est un moyen de réduire les cafouillages comme ceux que nous vivons dans le réseau de la santé et des services sociaux et des services de garde éducatifs. Il faut renforcer la démocratie au niveau national comme dans nos réseaux pour que les travailleuses et travailleurs aient de meilleures conditions de travail et que la population ait des services accessibles de qualité.

    Judith Huot