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    • 01 JUIN 23
    Damien Contandriopoulos et Isabelle Leblanc : les enjeux actuels en santé

    Le 2 mai dernier, dans le cadre des Mardis d’Action Politique (MAP), une rencontre d’échanges et d’information s’est tenue avec les syndicats de la FSSS pour analyser les enjeux actuels en santé et services sociaux. C’est plus de soixante-dix représentant-es syndicaux qui ont répondu à l’appel.

    Pour l’occasion, Damien Contandriopoulos, professeur titulaire à l’École des sciences infirmières de l’Université de Victoria et Isabelle Leblanc, médecin de famille et présidente de Médecin Québécois pour un Régime Public (MQRP) sont venus nous présenter leur analyse afin de démystifier et d’apporter des solutions aux  problématiques que subit actuellement notre réseau de la santé et des services sociaux.

     

    Présentation de Damien Contandriopoulos,

    professeur titulaire à l’École des sciences infirmières de l’Université de Victoria

     

    Contexte : « Pas le temps de niaiser, il faut se mettre en situation d’urgence »

    • Le vieillissement de la population est absolument prévisible. De plus en plus de gens approchent de l’âge où les besoins de soins et de services en santé augmentent. Il aurait fallu prendre de l’avance et anticiper les besoins, mais à la place le réseau a dû subir l’austérité et des choix d’investissements qui ne sont pas inspirés des meilleures pratiques. Par exemple, on a choisi d’investir en hébergement plutôt qu’en soutien à domicile.
    • La COVID-19 peut sembler derrière nous, mais de plus en plus d’études démontrent qu’elle cause des problèmes de santé à long terme. Il est probable que la demande de soins hospitalier va considérablement augmenter en raison des infections à la COVID.
    • Actuellement, on assiste à un niveau de demandes des soins et de services jamais vu auparavant, expliquant pourquoi les listes d’attente augmentent.
    • Le niveau de stress de nos structures de production de soins est plus grand qu’il n’a jamais été. On a l’impression que c’est comme ça depuis longtemps, mais c’est réellement du jamais vu.
    • Le réseau n’a actuellement pas la capacité d’absorber une autre grande réforme qui demandera beaucoup d’énergie et au moins 2 à 3 ans d’implantation.

     

    Analyse politique derrière le projet de loi 15

    • Le projet de loi 15 vient du fait que ça va mal dans le réseau, mais le gouvernement ne veut pas mettre en faute le MSSS, la CAQ, les pratiques de gestion ou encore l’austérité. Ainsi, il rejette la faute ailleurs, donc sur la structure et les syndicats. Or la vraie réponse implique une bonne dose d’autocritique. Ça fait 20 ans que le gouvernement ferme les yeux sur ce qui s’en vient. Il faudrait qu’il se justifie de n’avoir rien fait, il faudrait reconnaitre que des éléments sont en dehors des pouvoirs du ministre, mais politiquement, c’est inacceptable. Faire une réforme structurelle est plus facile : c’est la faute de personne…
    • Dans PL-15, il y a une composante idéologique pour ouvrir la porte au privé. Avant, dans la Loi sur la santé et les services sociaux, quand il était mention d’établissements, cela faisait référence seulement au public, or on ajoute maintenant ‘’ou privé’’ et ça suggère qu’il y a un plan de développement du privé.
    • Quand le ministre Dubé nous dit que les « top gun » du privé vont régler les problèmes, le message qu’il lance est qu’actuellement les problèmes persistent parce qu’il n’y a pas assez de contrôle du sommet vers la base, parce que les travailleurs ne sont pas assez dirigés. Un système comme ça fonctionne « si tu es une petite shop, dans un système simple, mais pas dans un régime aussi complexe que notre réseau de la santé ».

     

    Solution : Faire l’inverse

    • Au sommet, on a besoin de gens avec de grandes oreilles et de grands yeux qui sont au service de ceux et celles qui font fonctionner le réseau. Ils sont là pour rendre possibles les soins, pas pour dire comment les donner. Ils devraient avoir une fonction de coordination et donner plus de contrôle aux équipes terrain.  Les petits groupes de travailleurs dans de plus ou moins grands établissements sont les seuls qui comprennent vraiment « qui fait quoi, à qui et quand ». Ce sont eux qui comprennent ce qui fonctionne ou pas.  Ce sont ces petites équipes à qui il faut faire confiance et donner du pouvoir. Ils ont la capacité d’auto organiser leur travail.
    • Il faut prendre en compte ce que l’on doit s’assurer de faire comme société pour avoir une population en santé en fonction de la technologie et des ressources que l’on a. Pour cela, on a besoin de plusieurs voix : celle du communautaire, des syndicats, de la recherche, des travailleurs et de lacommunauté. Il faut prendre en compte les réalités régionales et locales, il y a besoin d’ancrage pour répondre aux besoins.

     

    Présentation d’Isabelle Leblanc,

    MQRP – Médecins Québécois pour un régime public

    « Réformites dans le temps »:

    • CLSC définancés;
    • Virage ambulatoire, on envoyait tout en soins à domicile, mais il aurait fallu que les investissements viennent avec;
    • CSSS;
    • CISSS-CIUSSS;
    • PL-15 : une autre réforme structurelle se basant sur la nouvelle gestion publique dans l’idée de tout gérer comme si c’était une entreprise privée. On a perdu de vue que le système public se gère différemment que le privé. La mission du réseau est de donner des services, pas de faire de l’argent.

    Projet de loi 15 :

    • Il y a déconcentration et non décentralisation.
    • Ouvre grand la porte au privé.
    • Il n’y en a pas eu de consultation avant et pendant.
    • Manque démocratique : habituellement les groupes du communautaire et MQRP sont invités à donner leur opinion en commission parlementaire, ce qui n’est pas le cas actuellement avec PL-15.

    Les solutions pour améliorer notre réseau de la santé

    • Pour un accès équitable aux soins et services, nous avons besoin d’un régime public universel et gratuit. Le système public fonctionne, mais il faut en prendre soin.  Il a été mal géré, mal nourri. Il a manqué de place pour écouter les travailleurs et la population.  Il faut renverser cette tendance et arrêter de rabaisser notre système public.
    • Il faudrait plutôt investir davantage en première ligne, c’est là où l’argent est le mieux investi pour que ça coûte moins cher au réseau Chaque dollars investi en première ligne (CLSC) fait gagner 5 à 10 dollars ensuite dans le secteur hospitalier.
    • Beaucoup de gens attendent à l’hôpital, occupant des lits. Il faudrait des hôpitaux de convalescence.
    • Il faudrait permettre aux gens de travailler au meilleur de leurs compétences. Actuellement, il y a une perte de temps pour pallier la pénurie de personnel.

    La privatisation, une fausse solution :

    • Le privé prend les ressources du public (principe du vase communicant).
    • Le privé veut que tout aille très vite, il y a sélection des patients.
    • Ça coute plus cher au privé (voir étude IRIS) car on leur garantit une marge de profit :cet argent en surplus devrait être utilisé pour les travailleurs.

    Conséquences

    • On se retrouve en situation de dépendance par rapport au privé. Il y a une perte d’expertise au public, alors on le finance encore moins bien. Le privé a alors le gros bout du bâton, s’il décide de charger 2 fois plus cher, on est « un peu pogné ».
    • S’il y a des complications à la suite d’une chirurgie au privé, c’est le secteur public qui doit prendre en charge donc on se retrouve avec les cas de plus en plus lourds au public.
    • « Désassurance » (optométriste et dentiste notamment).
    • On ne sait pas combien ça va nous couter. Par exemple, Clic santé pour prendre des rendez-vous, il y a des frais, mais c’est n’est pas indiqué.

     

    Ensembles, engageons-nous pour un réseau vraiment public!

    Les membres du comité de coordination d’action politique de la FSSS-CSN :

    Réjean Leclerc, président FSSS-CSN

    Luce Melançon, vice-présidente pour la région de Lanaudière

    Hélène Brassard, vice-présidente pour la région du Saguenay-Lac St-Jean

    Kent Denis, vice-président pour la région de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine

    Philippe Crevier, conseiller à la recherche

    Geneviève Lambert-Pilotte, conseillère à l’information et à la recherche

     

    Nous tenons également à remercier Julie Chartrand, Géraldine Robert et Amélie Rivard pour leurs appuis dans l’organisations du dernier MAP.