Nous avons pu constater dans les dernières semaines à quel point le gouvernement Couillard a une fixation pour le modèle canadien. J’ai moi-même écrit quelques billets à cet effet. Ce que j’ai mentionné la semaine dernière, c’est que cette obsession des libéraux pour les moyennes canadiennes équivaut à une remise en cause fondamentale du modèle québécois.
Cette semaine, nous verrons qu’en se comparant uniquement au Canada et aux États-Unis, nos gouvernants se comparent aux pires. Il n’est donc pas étonnant qu’il vienne à la conclusion qu’il faut couper partout sans distinction. Par contre, nous pouvons faire le choix collectif de nous comparer aux meilleurs. Il n’en tient qu’à nous!
L’obsession du pire
À force de répéter les mêmes lignes, la population peut venir à voir comme une fatalité ce qui n’est en fait que la conséquence d’un choix idéologique. Depuis qu’il est élu, le gouvernement Couillard mentionne sur toutes les tribunes que le Québec n’a d’autre choix que de se ramener aux moyennes canadiennes.
Combien de fois en effet avons-nous entendu le gouvernement mentionner ceci : Le Québec ne génère que 20 % de la richesse canadienne, représente 23 % de la population, mais effectue 26 % des dépenses au Canada. Ces chiffres signifient que la population du Québec dépense beaucoup moins dans des services privés qui lui coûteraient beaucoup plus cher. Nous avons donc globalement plus de services à meilleur marché en ayant des dépenses sociales plus élevées.
Quand on y réfléchit un peu, qu’est-ce que l’évocation de ces chiffres signifie vraiment? Est-ce à dire que le Québec ne peut pas faire des choix collectifs différents de ceux du reste du Canada? En mentionnant que le Québec effectue plus de dépenses sociales que le reste du Canada, que nous dit vraiment le gouvernement Couillard? Qu’il faut couper les programmes sociaux qui font du Québec une société distincte?
En réalité, la répétition incessante de ces trois chiffres signifie que le gouvernement s’attaque directement au modèle québécois. Pourtant, jamais nous ne l’entendons présenter les choses ainsi. En effet, il présente toujours la situation comme étant une fatalité. Nous avons des dépenses sociales plus importantes que le reste du Canada, il faut donc obligatoirement saper dans nos programmes sociaux pour se coller sur le Canada d’Harper.
À l’entendre, les Québécoises et les Québécois n’auraient donc aucun choix collectif à faire pour décider de ce qu’ils souhaitent avoir comme société. Si au moins, le gouvernement avait le courage de nous présenter sa vision pour ce qu’elle est : une vision néolibérale strictement idéologique.
Mais pourquoi le gouvernement Couillard ne se compare pas aux meilleurs?
En fixant uniquement son regard sur le modèle canadien, le gouvernement Couillard tente de nous forcer à ne pas nous comparer à d’autres modèles. Et quand on regarde les données, on comprend pourquoi!
Les nouvelles données de l’OCDE permettent de constater que le Canada fait partie des cancres mondiaux en termes de dépenses sociales (ou de ce que l’on devrait plutôt appeler des investissements sociaux). Le Canada dépense en effet beaucoup moins que la moyenne des pays de l’OCDE en pourcentage de son PIB. Alors que la moyenne des pays de l’OCDE dépense 22 % de son PIB en dépenses sociales, le Canada n’en dépense que 17 %, se comparant à l’Estonie et à la République tchèque.
Dans la direction opposée, la France, la Finlande et le Danemark investissent plus de 30 % de leur PIB dans les dépenses sociales. C’est dire que lorsqu’on se compare, on réalise que d’autres choix sont possibles. D’autres voies que l’austérité s’ouvre à nous et au gouvernement Couillard.
D’ailleurs, l’analyse de ces données nous permet de constater que les pays scandinaves sont parmi ceux qui investissent le plus dans leurs programmes sociaux. Ce sont aussi des pays qui maintiennent un niveau de croissance au-dessus de la moyenne, tout en étant les pays qui ont les niveaux d’inégalités sociales les plus limités dans le monde.
Pourquoi le Québec doit-il se comparer uniquement au Canada? Pourquoi ne pas plutôt prendre en exemple les pays qui dominent les pelotons internationaux en termes d’égalité?
Se mobiliser pour construire une société meilleure
L’objectif du gouvernement Couillard apparaît donc clair : réduire la part des dépenses sociales pour démanteler le modèle québécois. Un tel programme politique aura pour conséquence d’ouvrir la voie à une plus grande privatisation et à une accentuation des inégalités sociales.
Pourtant, d’autres voies sont possibles. Le Québec a d’ailleurs fait le choix dans les dernières décennies de développer un modèle social différent à plusieurs égards de celui du Canada. Quand on se compare aux données internationales, on réalise qu’on ne doit surtout pas remettre ces choix collectifs en question, bien au contraire.
Pour développer une société plus égalitaire où la redistribution de la richesse permette de réduire les inégalités sociales, nous devons compter sur notre solidarité. Avec l’accroissement des inégalités sociales à l’échelle mondiale après plus de 30 ans de gouverne néolibérale, il est plus que jamais le temps de faire de cette question un enjeu primordial.
Nous sommes justement en instance cette semaine à Québec pour discuter des suites de la lutte contre les mesures d’austérité en santé et services sociaux et dans les services de garde.
Les pays qui priorisent le partage et l’égalité sociale ont décidé de payer plus d’impôts et de taxes collectivement. Cela a pour conséquence que les individus ont plus de revenus disponibles parce qu’ils dépensent beaucoup dans le privé.
Le mouvement syndical ne doit pas tomber dans le piège que lui tend le gouvernement Couillard. Pour développer une société meilleure qui s’inspire des meilleurs exemples internationaux, nous ne pouvons compter que sur notre solidarité et bâtir cette lutte sociale avec l’ensemble de la population.