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    • 23 JUIN 16
    La grogne s’installe et doit devenir une résistance sans précédent!

    La semaine dernière, plusieurs organisations, dont la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN), ont appuyé une initiative de la part de Paul Lamarche, Marc-André Maranda, Pierre Joubert et Maria De Koninck. Trois des quatre personnes signataires ont déjà été des hauts cadres au MSSS et la quatrième est une professeure en administration de la santé. Ensemble, elles ont écrit une lettre adressée au premier ministre Philippe Couillard.

    Un appel au moratoire de la réforme Barrette est lancé

    Le contenu résume bien les questionnements de plus en plus de monde. Essentiellement, ces experts demandent au premier ministre d’instaurer un moratoire sur la réforme Barrette, le temps de faire une évaluation indépendante de la situation. L’évaluation prévue en 2018, dans le cadre de la prochaine campagne électorale,  arrivera trop tard si les ratés de la réforme sont aussi importants que ce que l’on peut prévoir. Mais d’abord, voyons les arguments qui ont mené ces personnes à prendre la parole publiquement pour faire cette demande extraordinaire et sans précédent.

    « … la réforme du ministre de la Santé et des Services sociaux ne faisait pas partie de la plateforme électorale de votre formation politique. À plusieurs égards, elle ignore les trois premiers articles de la Loi sur les services de santé et les services sociaux promouvant les principes qui ont toujours orienté les actions du réseau, dont l’équité, la participation, la régionalisation et la responsabilité sociale. »

    En plus de critiquer les fondements sociopolitiques et scientifiques de la réforme Barrette, les experts soulignent le caractère antidémocratique de celle-ci.

    «… la centralisation à outrance, l’ingérence dans les décisions d’instances réputées autonomes et la concentration du pouvoir entre les mains d’une seule personne font en sorte d’imposer partout une seule vision, une seule formule, une seule méthode »

    Cette lettre ouverte reprend donc un discours que nous avons mis sur la place publique dès le dépôt du projet de loi 10. La réforme Barrette a pour objectif de faire taire toute forme de remise en question de celle-ci. La centralisation des décisions entre les mains du ministre a pour effet de réduire au silence les hauts cadres du réseau, de même que l’ensemble du personnel. De plus, cette réforme a quasiment aboli les conseils d’administration indépendants. Les membres des C.A. et les cadres qui critiquent la réforme savent très bien quel est le prix à payer. Critiquer ce qui se passe actuellement dans le réseau, cela vient avec une démission de la part des cadres supérieurs.

    « Vous devez prendre en compte la situation de ces milliers de travailleuses et de travailleurs qui ne sont plus en mesure de réagir tellement ils sont désorientés, sans voix pour s’exprimer, dont le quotidien est bousculé et dont l’expertise est ignorée au profit de processus rigides et de méthodes issues directement d’un paradigme comptable. Sans compter ces milliers de personnes vulnérables, en besoin de services, qui n’ont plus la même écoute, les mêmes recours, les mêmes possibilités de se faire entendre pour obtenir le minimum auquel elles ont pourtant droit. »

    Les quatre initiateurs de cette lettre mettent de l’avant un argumentaire percutant qui permet de rejoindre la très vaste majorité du monde qui est impliqué dans le réseau de la santé et des services sociaux, soit comme personne qui utilise les services, soit comme travailleuse ou travailleur ou soit des groupes communautaires débordés par des demandes incessantes de prendre la relève du secteur public.

    De la grogne à la résistance

    Nous le disons depuis plus d’un an, le gouvernement Couillard n’a jamais demandé de mandat pour faire ce qu’il fait. Pendant la campagne électorale et dans les semaines qui ont suivi, il a parlé de plus de transparence et de plus de démocratie. C’est pourtant tout le contraire qu’il accomplit. C’est le cas dans le réseau de la santé et des services sociaux. C’est aussi le cas dans les services de garde éducatifs. La politique familiale est elle aussi attaquée de plein fouet, alors que le gouvernement libéral avait promis exactement le contraire pendant la campagne électorale.

    Nous savions depuis le début que la grogne allait s’installer. On dirait que depuis le printemps, nous sommes dans un petit creux de vague de la lutte pour la sauvegarde de nos services publics. Cependant, après chaque creux de vague, il y a une vague qui suit. Espérons que la prochaine vague arrive vite et que celle-ci soit une méga-vague de résistance.

    Maintenant, il faut se reposer cet été. Dès la rentrée, il faut, à mon avis, transformer la grogne en résistance extraordinaire, afin de sauver nos réseaux face à l’américanisation des services publics.

    J’ai hâte à l’automne!

    Jeff Begley