Françoise David nous rappelait, dans une lettre ouverte parue dernièrement, que, lorsqu’il s’agit de rémunérer adéquatement la très grande majorité de femmes travaillant dans les hôpitaux, les CHSLD, les CLSC, les écoles et dans d’autres services publics, le gouvernement trouve ça trop cher. Ce n’est pas parce que nous sommes dévouées que nous accepterons des conditions de travail inférieures.
Plus insidieux encore, dans la réforme Dubé, sous couvert d’efficacité, se cache plutôt du contrôle. Comme dans les réformes précédentes, on nous impose un mode de gestion inspiré de l’entreprise privée, qui centralise les décisions et qui vise à micromanager notre travail, faisant fi de l’autonomie professionnelle. En imposant un cadre de travail de plus en plus rigide, parfois même chronométré, les femmes n’ont plus d’espace pour innover, pour exercer leur autonomie et pour prendre le temps avec les usagères et les usagers. Elles doivent rendre des comptes et remplir de la paperasse au lieu d’offrir les soins et les services humainement. Quelle perte de temps, d’argent et d’énergie !
La réforme Dubé propose de nous déposséder des espaces démocratiques qui nous permettaient, à titre d’employées, mais aussi d’utilisatrices des services publics, de mettre à profit nos connaissances et nos expériences. Comme si des « top guns » du privé (encore des hommes ?), au sein d’une agence dans des bureaux à Québec, allaient mieux savoir que nous, sur le terrain, comment améliorer l’accès aux soins et aux services. On veut nous commander d’en haut. Notre travail perd de son sens.
Pour comble d’insulte, le gouvernement nous fait des offres salariales en deçà de l’inflation. Il a le culot d’affirmer le contraire alors qu’il propose un « montant forfaitaire » et des primes, qui ne sont pas pour tout le monde. La réalité est que, depuis les coupes salariales de 1983, il ne s’est ensuivi que des reculs salariaux. À coups de décrets et de lois spéciales, et au fil des réformes survenant toujours en pleine négociation, le gouvernement nous empêche de nous battre à armes égales et tente de nous diviser.
Cette semaine, la présidente du Conseil du trésor faisait valoir que le secteur privé montrait un retard de rémunération de 3,9 % avec le secteur public. Elle n’a naturellement pas précisé que, lorsqu’on se compare avec le secteur privé syndiqué, c’est le secteur public qui est en retard de 9,3 %. Commander et contrôler, est-ce là toute l’ambition qu’a ce gouvernement pour ses employées ?
Je ne sais pas pour vous, mais moi, comme femme, je suis tannée d’être insultée et de me faire imposer des choses avec lesquelles je ne suis pas d’accord.
Tannée de vivre des réformes de mes services publics sans qu’on me consulte comme travailleuse, comme usagère et comme citoyenne. Qu’on me pousse vers le privé, où il faut encore payer. Tannée d’avoir de moins en moins accès à mes services, malgré le fait que ça fait trois réformes qu’on me promet le contraire.
Tannée qu’on m’impose une façon de travailler. Tannée que l’on brime mon autonomie professionnelle. Tannée qu’on ignore mes droits, ma santé et ma sécurité au travail. Tannée d’être tenue pour acquise, de me faire dire que je suis un ange, mais d’être traitée comme une moins que rien.
Tannée du ton paternaliste des gouvernements, qui arrivent en sauveurs, mais qui au bout du compte m’appauvrissent.
Faut que ça cesse ! J’appelle toutes les femmes du Québec à s’exprimer, à se faire entendre. C’est fini, le contrôle sur ma vie, sur nos vies ! Sororité.
Judith Huot, Mère, soeur, amie, proche aidante et travailleuse de la santé, l’autrice est aussi première vice-présidente de la Fédération de la santéet des services sociaux (FSSS).
Paru dans la section opinions du journal Le Devoir