Mercredi dernier, c’était la journée internationale des femmes et j’étais sur la route une partie de la journée. À Radio-Canada, on a parlé d’une étude de Statistiques Canada qui venait de sortir la journée même. L’étude de 43 pages s’intitule « Les femmes et le travail rémunéré » (le communiqué qui résume l’étude se retrouve ici).
Cette étude est très instructive, notamment sur plusieurs dossiers que nous menons de front à la fédération et à la CSN.
Le rôle de l’État pour agir sur l’équité salariale dépasse largement ses responsabilités législatives. D’ailleurs, au Québec, le gouvernement est actuellement en train de faire la promotion d’un plus grand écart entre le revenu des hommes et celui des femmes. Avant d’explorer davantage cette question, regardons quelques données.
Ce qu’il faut retenir de cette étude sur le travail des femmes
L’étude au complet devrait être une lecture obligatoire pour tout syndicaliste, toute ministre de la condition féminine et tout premier ministre au Québec et au Canada. Elle est pleine de données qui permettent de mieux comprendre la situation des femmes qui travaillent à temps partiel ou à temps complet, dans le secteur public ou privé, ou encore de saisir l’évolution des salaires selon l’état matrimonial ou le niveau d’éducation.
Maintenant, aux fins de ce billet, regardons ensemble quelques faits saillants de cette étude :
- En 2015, la moyenne salariale des femmes est de 26,11 $ de l’heure. Pour les hommes, elle est de 29,86 $. Il y a donc une différence de 3,75 $ pour chaque heure travaillée;
- En tenant compte du fait que les femmes travaillaient en moyenne 35,5 heures par semaine contre 41,1 heures pour les hommes, la différence du revenu hebdomadaire est de 300 $ en défaveur des femmes;
- Des carrières de femmes sont interrompues en moyenne 18,5 mois dans une vie active pour des raisons familiales contre 8,6 mois pour les hommes;
- « Les femmes ont tendance à être surreprésentées dans les professions faiblement rémunérées et sous-représentées dans celles hautement rémunérées. Cependant, si la répartition globale des femmes à travers les professions était la même que celle des hommes, le salaire moyen des femmes serait pratiquement inchangé, se situant à 26,10 $ par heure. Il s’ensuit que le ratio salarial femmes-hommes ne changerait pas. »
Donc, les perspectives ne sont pas très encourageantes. Dans un reportage de Radio-Canada diffusé l’automne dernier, la professeure Ruth Rose de l’UQAM faisait l’observation suivante :
« Même quand vous regardez les jeunes qui sortent de l’école et qui ont été sur le marché du travail depuis deux ans, donc qui ont le même diplôme et la même expérience que les hommes, il y a un écart de 10 %. »
Un gouvernement qui accentue l’écart en défaveur des femmes
Maintenant, revenons à mon affirmation voulant que le gouvernement actuel fasse la promotion d’un plus grand écart entre le salaire des hommes et celui des femmes. Concrètement, qu’est-ce qui m’amène à poser ce constat?
Je suis convaincu que ce gouvernement procède à la plus grande privatisation des emplois féminins depuis les 40 dernières années. Avant de regarder la privatisation des emplois féminins, revenons à cette étude pour présenter une dernière statistique.
30 % des femmes qui sont employées travaillent dans le secteur public contre seulement 15,7 % chez les hommes. La vaste majorité de ces femmes travaillent dans les domaines de la santé, des services sociaux, de l’éducation et des services de garde. La privatisation de ces services touche donc très négativement les femmes et les populations vulnérables qui ont besoin de ces services.
Au-delà des statistiques, qu’est-ce qui démontre que le gouvernement creuse l’écart salarial entre les hommes et les femmes?
On peut prendre l’exemple des coupes dans les services à domicile. Le titre d’emploi d’auxiliaire aux services de santé et sociaux (ASSS) est très largement occupé par des femmes et celui-ci stagne depuis des années.
Malgré le besoin grandissant de soins à domicile entraîné par la politique de désinstitutionnalisation des hôpitaux psychiatriques et une population qui vieillit, nous demandons sans cesse aux travailleuses de faire plus avec moins. En même temps, nous transférons les emplois de maintien à domicile à l’économie sociale où on peine à payer le salaire minimum dans bien des cas. On transfère donc des emplois du secteur public vers des ghettos d’emploi féminins mal rémunérés.
Autre exemple. Depuis l’arrivée du gouvernement libéral en 2003, il y a une privatisation massive dans les services de garde éducatifs. Il y a quelques jours, la Commission sur la petite enfance a livré son rapport.
En page 23 de son rapport, on constate qu’en 2003, les places en garderie privée et non subventionnée représentaient moins de 1 % des places disponibles. En 2015, ce chiffre a explosé. Les garderies privées non subventionnées représentaient près d’une place sur cinq (18,56 % des places), malgré une qualité moindre et des salaires inférieurs aux employées des CPE. Lorsqu’on met ensemble les places des garderies privées non subventionnées et les garderies privées subventionnées, cela représente 35,8 % des places en comparaison avec 16 % en 2003. Les libéraux ont donc fait plus que doubler le nombre de places où les travailleuses ont des conditions de rémunération inférieures!
Je pourrais continuer pendant un bon bout (pensons à « l’optimisation » des laboratoires dans la santé, aux écoles privées dans l’éducation, à la privatisation des services sociaux, via les GMF et l’économie sociale, aux cliniques privées, et j’en passe!).
Lorsque le seul projet de société est l’atteinte de l’équilibre budgétaire et la baisse des impôts, la place des femmes dans la société recule. La privatisation des services publics sacrifie les femmes pour mieux augmenter les profits des propriétaires privés.
Au moment de se présenter en élection en 2018, le gouvernement Couillard laissera comme héritage un plus grand écart salarial entre les femmes et les hommes. Et l’ensemble des bonbons qui seront donnés par le gouvernement Couillard d’ici la prochaine élection ne changera en rien la mauvaise direction de la rémunération des femmes! Il faudra s’en rappeler lorsque ce gouvernement se dira préoccupé de la condition des femmes…
Jeff Begley