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    • 19 DÉC 13
    Lettre d’opinion de Jeff Begley sur la gestion de nos établissements publics

    Confier la gestion du réseau à ceux qui y oeuvrent

    Comme le confirme le Vérificateur général du Québec dans son dernier rapport, de nombreuses problématiques relatives notamment à une surrémunération des cadres (dont le nombre est en explosion dans le réseau), au laxisme dans l’octroi des contrats publics, au manque de transparence et de disponibilité de l’information ont actuellement cours au CHUM. La crise qui sévit actuellement révèle les nombreux problèmes de gestion qui affectent les établissements du réseau de la santé et services sociaux au Québec.

    Il est bon de se rappeler que la question de la gestion des établissements publics de santé a fait l’objet d’une importante réforme, en 2011, alors que le gouvernement libéral adoptait la Loi visant à améliorer la gestion du réseau de la santé et des services sociaux. On a alors revu la composition des conseils d’administration des établissements publics pour y assurer une plus grande « indépendance ». Il n’a pas fallu attendre longtemps avant que les impacts négatifs de cette réforme se manifestent, tel que nous le redoutions.

    La révision de la composition des C.A. a essentiellement consisté à augmenter de façon importante le nombre de personnes dites « indépendantes ». Cela a notamment eu pour conséquence de diminuer la représentativité de l’ensemble de la communauté concernée (population, usagers, groupes communautaires, salarié-es).

    La plupart de ces personnes qualifiées d’indépendantes proviennent du monde des affaires et doivent rendre des comptes à leur entreprise d’origine. Il est donc faux, à notre avis, de prétendre que ces personnes sont indépendantes. Qui plus est, il ne nous semble pas que ces personnes, provenant de l’extérieur et déconnectées du terrain, soient les mieux placées pour prendre des décisions éclairées dans un univers aussi complexe qu’un établissement de santé.

    Au cœur de cette réforme se trouve aussi l’idée que les établissements publics doivent être gérés comme des entreprises privées. Pourtant, entreprises privées et établissements de santé ne sont pas de même nature et ne poursuivent pas les mêmes objectifs. Or l’adoption de plus en plus importante des pratiques de gestion provenant des milieux d’affaires par les établissements publics n’est pas étrangère aux problèmes de gestion qui surviennent dans notre réseau public.

    Pourtant, les appels sont pressants, notamment en provenance des milieux d’affaires, pour aller plus loin en confiant la gestion des établissements à des C.A. encore plus « indépendants » et en adoptant de façon plus massive les pratiques de gestion des milieux d’affaires, le tout pour mettre notre réseau public à l’abri des influences. Suivant cette logique, si on se retrouve aujourd’hui avec des problématiques de surrémunération des cadres, de laxisme dans l’octroi des contrats publics, c’est parce que des représentants de la communauté et de la population ont conservé quelques places sur les C.A. et qu’une partie des séances se tient en public, assertions qui frisent le ridicule.

    Ces propositions ne nous semblent pas être dans l’intérêt public et ne sont pas de nature à améliorer la gestion des établissements. En effet, il nous semble contraire à l’intérêt public, sous prétexte de vouloir mettre le réseau de la santé à l’abri des influences, de confier sa gestion à une poignée d’acteurs « indépendants » issus du milieu des affaires et de soumettre ainsi notre réseau à son influence.

    Chaque jour, nous sommes témoins d’un inquiétant manque de transparence, notamment en matière de gestion des fonds publics. Dans plusieurs établissements, les rencontres de C.A. se déroulent en grande partie à l’abri du regard du public et l’information disponible est insuffisante pour permettre une surveillance efficace de la gestion de nos établissements. De plus, les pratiques de gestion issues du monde des affaires contribuent à détériorer les services dispensés à la population. Ces phénomènes ont de quoi inquiéter.

    Nous pensons plutôt que l’intérêt public se trouve dans une réappropriation, par les acteurs de la communauté de la santé et par la population, de la gestion de notre réseau et par l’adoption de mécanismes assurant une entière et complète transparence de l’information et par le renforcement du caractère public de toutes les activités de gestion des établissements du réseau.

    Jeff Begley
    Président de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN)