Cette semaine, j’avais prévu partager avec vous les extraordinaires nouvelles provenant des lignes de piquetage de partout au Québec. J’avais pas mal fini l’essentiel de mon billet de blogue, lorsque le président du Conseil du trésor, M. Martin Coiteux, s’est mis à nu jeudi. Sur toutes les lignes de piquetage à Montréal, le monde en parlait!
Coiteux a été questionné par Radio-Canada quant à l’ironie de financer Bombardier à cette hauteur en même temps qu’on offre des miettes aux travailleuses et travailleurs du secteur public. Coiteux était clair dans son discours. Il continue de tenter de mettre les travailleuses et travailleurs les uns contre les autres. Les travailleurs de Bombardier, quant à Coiteux, méritent cette intervention parce qu’ils paient des taxes. S’ils arrêtent de payer des taxes, ils vont devenir un fardeau. Pour Coiteux, les travailleuses et travailleurs du secteur public sont déjà un fardeau.
Citons le président du Conseil du trésor : « Les milliers d’emplois qui sont maintenus, qui sont consolidés dans une filière importante pour le Québec comme l’aéronautique, c’est la base, le socle sur lequel on est capable d’avoir des revenus avec lesquels on finance les services publics. »
Premières observations
Il est essentiel à mon avis de prendre toute la mesure de la position du gouvernement et de la classe dirigeante dans ce dossier. Voici donc quelques premières observations. Nous allons, travailleuses et travailleurs du secteur public et du secteur privé, participer à la création d’une nouvelle compagnie avec une contribution de 1,3 milliards de dollars. Il faut se questionner très sérieusement sur le fait que Québec n’investisse que dans ce qui est le plus risqué et le moins profitable chez Bombardier en assumant la moitié de la facture. Bombardier « protège » toutes ses branches profitables du gouvernement avec la création de cette nouvelle compagnie. On appelle cela socialiser les risques.
Donc, le gouvernement investira 1,3 milliards de dollars dans une compagnie qui embauche 1 700 travailleurs de Bombardier, ce qui équivaut à une subvention de 704 705$ par emploi! Évidemment, on peut douter que cet argent soit destiné aux travailleurs, mais qu’il servira plutôt à compenser les actionnaires pour leurs mauvaises décisions.
Ce qui désole le plus dans toute cette histoire, c’est la rapidité avec laquelle un gouvernement investit des sommes importantes dans une entreprise privée pour un projet à haut risque, alors qu’il se répugne à investir dans les services publics. Notre gouvernement, formé de banquiers et d’hommes d’affaires, doit rappeler qu’il est responsable de gérer pour le bien commun, point! Que le Québec reste présent dans cette industrie dite névralgique, j’en suis. Que la direction actuelle continue de diriger et de jouer au poker avec l’argent du public, nous traversons une limite qui mérite un bon débat. Surtout que tous les joueurs du marché, y compris les sociétés d’État du Québec, ont refusé d’embarquer dans ce jeu très risqué.
Ce qui doit être le barème de nos décisions politiques dans les prochaines années, c’est la question des inégalités sociales. Est-ce qu’investir dans Bombardier comme l’a fait le gouvernement permettra de réduire les inégalités sociales? Ce dont je suis sûr, c’est qu’investir dans nos services publics est un moyen particulièrement efficace pour travailler à un meilleur partage de la richesse.
Savoir lire entre les lignes
À M. Coiteux, j’apprécie le fait que vous soyez franc-jeu (au moins depuis que vous êtes élu, dommage que ce n’était pas le cas durant la campagne électorale). J’ai beau être en désaccord total sur la ligne que vous prenez, au moins, elle est claire. En sachant lire entre les lignes, vous nous dites que d’aider, à même les fonds publics, des entrepreneurs privés qui sont bien nantis est une bonne chose pour le Québec, mais que de répondre aux demandes des travailleuses et travailleurs du secteur public ne l’est pas.
Aux travailleuses et travailleurs du réseau de santé et de services sociaux et du réseau des services de garde, il faut rester plus déterminés que jamais pour arracher une entente à ce gouvernement. Ce qu’il nous a démontré cette semaine, c’est qu’il a beaucoup d’autres priorités que celle d’assurer la pérennité de nos services publics universels et accessibles. Et que lorsque vient le temps de le faire, tout d’un coup, il n’y a plus d’argent.
Aider le gouvernement à trouver de l’argent pour réduire les inégalités
Dites-vous bien qu’il y en a en masse de l’argent pour répondre favorablement à nos demandes raisonnables et pour bien financer les programmes qui nous font avancer en tant que société, comme la santé, les services sociaux et de garde, les services d’éducation, les services communautaires, etc.
Où peut-on trouver cet argent? Coiteux le sait très bien, mais aidons-le un peu.
On pourrait d’abord exiger aux banques de venir témoigner sur les paradis fiscaux en commission parlementaire. On pourrait demander à Bombardier et aux autres grandes entreprises québécoises de nous dire combien d’argent ils cachent dans les paradis fiscaux. On pourrait rétablir la taxe sur le capital, instaurer un régime entièrement public d’assurance médicaments, racheter les contrats des CHUs en PPP. On pourrait augmenter le nombre d’échelons d’impôt, ce qui ferait contribuer plus justement l’ensemble de la population, et j’en passe.
En terminant, je veux féliciter les milliers de membres de la FSSS-CSN, de même que ceux de l’ensemble du Front commun, que j’ai vus sur les lignes de piquetage dans plusieurs coins du Québec.
Mes ami-es, soyons clairs : nous n’avons pas gagné la bataille cette semaine. Il reste beaucoup de travail à faire! Cependant, vous m’avez convaincu plus que jamais que nous sommes capables de faire le travail qu’il faut pour gagner notre négociation et protéger nos réseaux respectifs!
Jeff Begley