Voici le dernier billet portant sur des solutions pour limiter la hausse des coûts en santé. Jusqu’à maintenant, on a proposé de revoir le mode de rémunération des médecins, d’améliorer l’organisation de l’équipe de soins et d’instaurer un régime entièrement public d’assurance médicaments. Maintenant, je veux regarder l’organisation des services de soutien dans le réseau de la santé et des services sociaux. Il y a des économies énormes à faire dans ce domaine. Les coûts des services de soutien explosent pendant que la masse salariale diminue. Comment mieux contrôler ces coûts?
Un premier exemple pour comprendre l’explosion des coûts : les ouvriers spécialisés
Commençons par la multiplication des contrats (secrets dans plusieurs cas) visant à faire des travaux d’entretien sur les infrastructures. Le réseau compte plusieurs ouvriers spécialisés dans ses rangs (même s’il y en a beaucoup moins qu’il y en avait) capables de faire un travail extraordinaire.
On ne compte plus les exemples de travaux complexes réalisés par ces travailleuses et travailleurs du secteur public. Malheureusement, le réseau public est de moins en moins en mesure d’attirer et de retenir cette main-d’œuvre qualifiée. Lorsqu’on fait la comparaison entre les conditions salariales des ouvriers spécialisés du réseau public et celles des autres secteurs, on comprend pourquoi le réseau public les attire de moins en moins. Dans certains cas, il y a une différence de 30 % sur la rémunération globale (salaire et bénéfices) en faveur des autres secteurs d’emploi.
De plus, l’entrepreneur qui obtient le contrat de l’établissement public n’a pas seulement à payer des salaires plus élevés, il faut aussi qu’il dégage sa marge de profit. Dans bien des cas, cette marge s’élève à 50 % du coût de la main-d’œuvre. Ce qui a pour résultat que les coûts des projets de rénovation et d’entretien des infrastructures publiques grimpent de façon vertigineuse.
Beaucoup d’employeurs du réseau sont conscients du problème. Cependant, la solution passe par l’implication du Conseil du trésor. Si nous n’agissons pas, nous n’aurons plus d’expertise à l’intérieur du réseau. Perdre cette expertise équivaut à perdre le contrôle sur les coûts d’entretien de nos établissements publics. Pensons simplement à l’exemple du ministère des Transports, où cette perte d’expertise a entraîné une hausse insensée des coûts des projets.
Un deuxième exemple pour comprendre l’explosion des coûts : l’approvisionnement
Un deuxième exemple où nous voyons une explosion des coûts due à une place grandissante du privé dans nos établissements publics de la santé et des services sociaux est l’augmentation de contrats d’approvisionnement octroyés à des firmes privées dans les mégastructures que sont devenus nos CSSS.
L’approvisionnement des fournitures dans nos hôpitaux est une tâche souvent invisible pour le public, néanmoins indispensable. Chaque chirurgien a ses préférences pour des gants, pour des outils spécifiques pour faire ses interventions. Chaque métier a des commandes spécifiques pour sa profession ou son département. Même chose pour les besoins de médicaments dans différents départements. De plus, avec le développement de la technologie, les machines changent de plus en plus rapidement. Lorsque les machines changent, les accessoires (ex. des cartouches) changent eux aussi. Le suivi des catalogues de ces différentes fournitures demande une expertise qu’on ne peut imaginer. Lorsqu’on manque un scalpel particulier dans un bloc opératoire, nous ne pouvons aller à la quincaillerie locale pour en acheter un autre. Il faut que l’ensemble des marchandises arrive à l’hôpital et dans les temps. Une fois arrivées, il faut qu’elles soient livrées aux bons étages et aux bons départements.
L’entêtement du CHUM et du CUSM à se débarrasser de cette expertise publique est très préoccupant. Une fois l’expertise partie, elle ne reviendra pas aussi vite. Problème supplémentaire dans ce dossier : les seules firmes privées qui sont en mesure d’assurer le suivi de l’approvisionnement se retrouvent rapidement en conflit d’intérêts. En effet, une firme comme Cardinal Health obtient de plus en plus de contrats d’approvisionnement dans le réseau de la santé. En plus de gérer l’approvisionnement, elle s’avère être une des plus grandes productrices de fournitures. Elle se retrouve donc à avoir le loisir d’acheter ses propres produits, à des coûts… élevés. Ces firmes peuvent rapidement se retrouver en position de monopole, ce qui n’augure rien de positif. Aucun décideur n’a le courage d’intervenir dans les dossiers du CHUM et du CUSM; surtout pas le gouvernement. C’est écrit dans le ciel que cette privatisation de l’approvisionnement va nous coûter les yeux de la tête dans quelques années. On demandera alors aux travailleuses et travailleurs du réseau d’en faire encore plus avec moins, parce qu’on va manquer d’argent.
Je pourrais prendre d’autres exemples au niveau des services de soutien dans le réseau de la santé, notamment pour les services dits d’hôtellerie ou les services administratifs. Mais avec ces deux seuls exemples, il y a des millions à économiser sans toucher les services à la population. Le gouvernement actuel semble privilégier la voie la plus chère pour les citoyennes et citoyens, c’est-à-dire de favoriser le privé. Le premier ministre, Philippe Couillard, a promis un débat ouvert et transparent sur la question de la gestion des finances publiques. Espérons qu’il entende nos propositions pour assurer l’avenir du système public de la santé et des services sociaux.