Le 31 mars, au moment où notre convention collective venait à échéance, le Front commun tenait un grand colloque réunissant quelque 2500 délégué-es de syndicats de la santé et des services sociaux, de l’éducation et de l’enseignement supérieur, de la fonction publique et des organismes gouvernementaux. L’objectif de ce rassemblement était de réfléchir ensemble sur les moyens de mobilisation qu’il nous faudra déployer pour obtenir une entente satisfaisante en vue du renouvellement de nos conventions collectives. Réagissant à la tenue de cet évènement, les porte-parole du gouvernement ont dit croire « qu’en se parlant, les parties trouveront un terrain d’entente ». Nous le souhaitons, bien entendu. Cependant, il est clair que, vu l’état actuel des négociations, nous devons prendre toutes nos responsabilités dès maintenant afin d’être en mesure d’exercer pleinement notre rapport de forces.
Une approche unilatérale
L’approche autoritaire prise par ce gouvernement dans de nombreux dossiers, qu’il s’agisse entre autres de l’imposition tous azimuts de politiques toxiques d’austérité ou encore des réformes «mammouths» en santé et services sociaux, se retrouve également aux tables de négociation. C’est ainsi, par exemple, que le gouvernement a pris la décision de mettre fin, en date du 30 mars, à une mesure administrative qui visait à retenir les psychologues dans le réseau public. Toutes les organisations syndicales représentant ces professionnel-les ont pourtant déposé des demandes visant à intégrer cette mesure à la convention collective et nous avons dénoncé cette décision d’une même voix. Le gouvernement constate par ailleurs lui-même que l’exode des psychologues hors du secteur public, tel qu’anticipé au moment de la mise en place de cette mesure administrative, n’a pas eu lieu.
Il en va de même de certaines autres primes que le gouvernement a choisi unilatéralement de ne pas reconduire. Celles-ci visent notamment à compenser des inconvénients et par le fait même à renforcer la capacité des établissements à attirer et à retenir le personnel nécessaire, bref à solutionner des problèmes de main-d’œuvre. Pensons aux primes versées au personnel travaillant dans le Grand Nord, celui des CHSLD ou celles et ceux travaillant auprès de personnes aux prises avec des troubles graves de comportement. De même, des projets d’organisation du travail dans ces secteurs n’ont plus de financement, et ce, malgré qu’il s’agisse là du meilleur levier pour améliorer l’accessibilité de la population aux services dans le respect des droits des salarié-es.
Or, non seulement ces décisions nous semblent-elles mal avisées puisque les problèmes de main-d’œuvre existent toujours, mais nous avons également formulé des propositions à la table de négociation à cet égard, car c’est le seul endroit d’où des solutions satisfaisantes peuvent émerger. Bref, pour nous, c’est à la table de négociation et nulle part ailleurs que de telles orientations doivent être discutées. Si des modifications s’avèrent nécessaires afin qu’elles remplissent mieux leur rôle, notre comité de négociation est tout à fait disposé à les évaluer, et le cas échéant, à travailler à la recherche de solutions.
Sur la place publique, le gouvernement affirme que ces primes et mesures seront discutées aux tables de négociation. Mais si le gouvernement partage vraiment nos inquiétudes à cet égard, ne serait-il pas plus prudent de maintenir ces mesures jusqu’à ce que nous convenions, en négociation, de ce qui doit être maintenu et de ce qui doit être amélioré ?
À moins évidemment que l’objectif du gouvernement ne soit pas de rechercher les meilleurs moyens d’attirer la relève et de retenir l’expertise, mais plutôt de couper aveuglément, quitte à accélérer le mouvement vers la privatisation des services… Difficile de dire à ce moment-ci à quelle enseigne loge véritablement le gouvernement puisque, malgré nos demandes en ce sens, les objectifs patronaux à cet égard n’ont pas été discutés à la table de négociation.
Les vraies affaires
La seule façon d’éviter un conflit de travail dans la santé et les services sociaux sera de négocier une entente satisfaisante en reconnaissant que les seules bonnes solutions sont celles qui sont négociées. Pour ce faire, il faudra que nos vis-à-vis patronaux et le gouvernement aient la marge de manœuvre nécessaire pour jouer cartes sur table. Bref, pour paraphraser le slogan libéral, il faudra nous concentrer sur les « vraies affaires ». Le retard global de rémunération dans le secteur public, comme les difficultés d’attraction et de rétention de la main-d’œuvre qui en découle en bonne partie, font certainement partie des enjeux cruciaux des présentes négociations. Tout notre projet de négociation est articulé en fonction de la recherche de solutions à ces problèmes.
Josée Marcotte