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    • 11 JUIL 13
    Réplique à la Fédération des chambres de commerce du Québec

    Si l’on veut vraiment améliorer l’accessibilité aux soins de santé, mettons nos énergies à la bonne place!

    Par la voie de sa présidente, la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ), s’est lancé récemment dans une énième campagne en faveur du privé en santé. Elle postule que pour améliorer l’accessibilité aux soins de santé, il faille ouvrir la porte à une contribution accentuée du privé. Elle avance de plus que l’on doit s’inspirer de la performance des services de santé donnés dans le privé. Malheureusement, il faut remarquer qu’on assiste beaucoup plus à un exercice idéologique qu’à une analyse empirique rigoureuse. Ce qui ressort pourtant des études sur le réseau de la santé, c’est que ce sont les services à but non lucratif qui offrent les meilleurs services et la meilleure accessibilité. C’est donc qu’il faut mettre toutes nos énergies à améliorer la cohérence et les moyens des services publics de santé.

    En quelques jours, la présidente de la FCCQ a fait publier deux articles reprenant essentiellement la même idée (les articles ont été publiés dans le Journal de Montréal, fin juin) : pour améliorer l’accessibilité aux services de santé, il faut augmenter la contribution du privé. C’est une idée classique que l’on entend dans les milieux de droite depuis de nombreuses années. Par contre, il est important de noter que cette idée n’est rarement, voire jamais, appuyée sur des données.

    C’est qu’on ne nous dit pas tout lorsqu’on nous parle du rôle du privé dans l’amélioration de l’accessibilité. On nous explique qu’en augmentant la part du privé, on va nécessairement diminuer les temps d’attente dans le réseau public. Cela est logique, non? Les usagères et usagers qui iront dans le privé n’attendront plus dans le public et libèreront des places pour celles et ceux qui resteront au public. Mais qui soignera ces usagers qui passeront au privé? D’où proviennent les professionnels qui donnent les services au privé. Vous me voyez venir? En effet, ceux-ci viennent du réseau public. Accentuer la place du privé pour améliorer l’accessibilité est donc une fausse solution.

    En fait, comme l’explique Alain Vadeboncœur (en se basant, lui, sur une étude publiée dans le Journal of Health Politics) : « dans les pays et les régions où le privé a connu une plus grande expansion, on observe une augmentation de l’attente dans le public ».

    On se trouve ainsi à porter atteinte à un principe fondamental du système de santé québécois, à savoir que l’accès aux  services de santé médicalement nécessaires doit être fonction du besoin et non de la capacité de payer des individus.

    La deuxième grande idée développée par la présidente de la FCCQ est que l’on devrait profiter plus avant de la performance du privé en santé, encore une fois pour diminuer les listes d’attente. Pourtant, une étude comparant la performance des services des organisations de santé à but lucratif et à but non lucratif démontre que ce sont ces dernières qui sont « les plus performantes quant à l’efficacité, l’accessibilité, la globalité, la réactivité et la qualité des services*». C’est donc les organisations à but non lucratif qui offrent les meilleurs services pour les patients.

    On doit se questionner sur les véritables raisons qui poussent la FCCQ à relancer le même argumentaire sur la place publique plusieurs fois par année. La préoccupation est-elle vraiment d’améliorer l’accessibilité aux soins de santé? Ne s’agit-il pas plutôt de s’immiscer dans un marché dont la valeur est évaluée à 2 milliards de dollars annuellement? Poser la question, c’est sans doute y répondre. Les données que nous avons présentées démontrent que pour améliorer l’accessibilité aux soins de santé, il faut miser sur les services publics. L’ouverture au privé ne peut, d’aucune façon, être une solution. Non seulement cela déplace-t-il des ressources et des moyens qui seraient utiles dans le public, mais en plus les services qui y sont donnés sont de moins bonnes qualités.

    De notre côté, nous préférons nous tenir du côté de la très grande majorité de la population, elle qui a bénéficié grandement du développement des services publics de santé et de services sociaux. Si l’on veut régler la question des listes d’attente, il faut mettre toutes nos énergies au bon endroit. Il faut redonner ses lettres de noblesse à notre réseau de santé et de services sociaux.

    Jean Lacharité, vice-président de la CSN

    * Paul A. Lamarche et Adriana Trigub-Clover, « La propriété privée des organisations de santé: quels effets sur les services?», 2008.