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    • 03 AVR 14
    Réponses des partis politiques aux enjeux de la FSSS-CSN

    Au début de la campagne électorale, nous avons interpellé les principaux partis politiques sur les grands enjeux en santé et services sociaux. Nous leur avons demandé de répondre à des questions pour mieux connaître leurs intentions et ainsi bien informer nos membres.

    Nous tenons donc à remercier très sincèrement la Coalition Avenir Québec (CAQ), le Parti Québécois (PQ) et Québec Solidaire (QS), qui ont pris le temps de répondre très franchement à nos questions sur le futur du réseau de la santé et des services sociaux. Mentionnons que nous n’avons reçu qu’un simple accusé de réception de la part du Parti Libéral du Québec (PLQ). Dommage de voir que le PLQ considère si peu le mouvement syndical qu’il n’ose même se prêter à cet exercice… Nous avons aussi adressé notre questionnaire à Option Nationale (ON), mais nous comprenons qu’avec leurs ressources limitées, ils ne pouvaient répondre à toutes les demandes qu’ils ont reçues.

    Passons aux réponses reçues de la part des partis politiques.

    Parti Québécois

    Ce qui favorise l’accessibilité à des services de qualité Ce qui pourrait provoquer la privatisation et une diminution de l’accessibilité et/ou de la qualité aux services
    « Soit d’utiliser au maximum le réseau public afin d’améliorer les services à la population… instituer un guichet d’entrée permettant un accès à un système de prise de rendez-vous pour des services de première ligne et des soins spécialisés dans les établissements publics »C’est une bonne chose de constater que le Parti Québécois mise principalement sur le personnel du secteur public pour améliorer l’accès aux services. Toutefois, cela nous semble incompatible, voire contradictoire avec les modalités de mise en œuvre du projet d’assurance autonomie du PQ par lequel on prévoit la privatisation tant du financement (par une tarification) que de la prestation des services (par le recours au secteur privé et aux entreprises d’économie sociale). « l’implantation du financement axé sur le patient dans les secteurs où il est possible de le faire »Le financement axé sur le patient peut entraîner  plusieurs effets pervers et se montrer contre-productif, comme cela s’est avéré dans d’autres pays. Ce sujet accaparera certainement le débat public dans les mois à venir. Nous participerons à ce débat et nous serons fort vigilants afin d’éviter les effets pervers pour les usagères et usagers.
    « Pas de nouveau PPP »Le Parti Québécois réitère son engagement de ne plus faire de projets de PPP en santé, ce qui est une très bonne nouvelle. Il reste par contre muet sur les PPP actuels, qui vont pourtant coûter une fortune aux contribuables. Nous allons redoubler d’effort pour que des solutions concrètes soient mises en œuvre pour que le Québec sorte des PPP en santé. « poursuivre certaines mesures d’optimisation afin de nous assurer que l’argent puisse être dévolu davantage aux soins plutôt qu’à l’administration et à la bureaucratie, ce qui pourrait se traduire par une diminution du nombre de cadres » Nous partageons l’idée que la bureaucratisation du réseau de la santé et des services sociaux est problématique, mais nous pensons qu’elle est principalement le fait de l’accroissement de la contractualisation entre les établissements publics et des tiers privés.La plupart des projets d’optimisation qui ont été menés au cours des dernières années n’ont pas permis de réduire la bureaucratie, bien au contraire. En effet, optimisation a trop souvent rimé avec privatisation et contractualisation, ce qui explique notamment l’explosion du nombre de cadres. De plus, l’importation des méthodes du secteur privé dans le réseau a trop souvent résulté en une augmentation de la pression sur les travailleuses et travailleurs, ce qui s’est avéré contre-productif.Pour réduire la bureaucratie, il faut donc viser la bonne cible, c’est-à-dire protéger les missions des établissements publics et cesser de recourir au privé et à ses méthodes.Pour améliorer l’accès et la qualité des soins dans le réseau, il faut plutôt miser sur des projets paritaires qui mettent l’usager au centre des projets et non pas sur des projets qui visent uniquement des objectifs de réduction des dépenses. Il faut pour chaque projet éviter que ce soit les bénéficiaires ou les travailleuses et travailleurs qui paient le prix.
    « Nous allons continuer de mettre davantage d’information accessible directement en ligne »Une autre bonne nouvelle, plus l’information sera transparente, plus nous serons en mesure de documenter nos dossiers et de démontrer les revers de la privatisation. Par exemple, il est à souhaiter que les contrats en PPP en santé (CHLSD et CHU) pourront rapidement être rendus publics intégralement tout comme l’ensemble des sous-contrats qui sont octroyés chaque jour par les établissements publics à des entreprises privées. « Le recours au secteur privé en santé doit être exceptionnel et temporaire, et ce, lorsque le réseau public n’est pas en mesure de répondre aux besoins. »On devrait normalement saluer cet engagement. Cependant, on se rend compte que l’exceptionnel et le temporaire dans le réseau de la santé deviennent rapidement permanents. Nous n’avons qu’à penser aux fonds publics qu’on jette par la fenêtre en utilisant du privé plutôt que d’utiliser nos ouvriers spécialisés. Ça fait plusieurs années qu’on souligne cette contradiction.
    « Nous entendons prendre toutes les mesures à notre disposition pour conserver et développer ces ressources humaines au sein du secteur public »Ici aussi, ce devrait normalement être une bonne nouvelle. Malheureusement, lors des audiences sur l’assurance autonomie, le ministre Hébert a été clair. Il a l’intention que les services à domicile soient donnés notamment par le secteur privé. Pourtant, nous savons que la demande pour des ASSS dans les CSSS est sans cesse grandissante et que ces travailleuses du secteur public assurent la qualité des services qui se donnent dans les domiciles.

    Positions qui nous questionnent

    « étaler dans le temps les importantes hausses de rémunération prévues dans les ententes signées par le Parti libéral du Québec »

    En principe, nous sommes d’accord pour demander aux médecins qu’ils reçoivent le même traitement que les autres salarié-e-s du secteur public, d’autant plus quand on sait que leur hausse salariale occupe une place importante dans la hausse des dépenses en santé. Cependant, nous nous demandons pourquoi le Parti Québécois ne questionne pas plutôt le mode de rémunération des médecins, qui est beaucoup plus problématique que le salaire des médecins. En effet, la rémunération à l’acte des médecins prend une place importante dans le budget de la santé et réduit la capacité du réseau d’améliorer son efficacité. En effet, la plupart des gains d’efficacité du réseau résultent en une augmentation des actes des médecins et donc dans une … augmentation des coûts.

    « Nous ne sommes pas favorables à une tarification des services et programmes dans le réseau de la santé et des services sociaux »

    Si le projet de loi sur l’assurance autonomie et la taxe santé ne contredisaient pas cette affirmation, nous aurions mis cet engagement dans la colonne des points qui favorisent l’accès aux services.

     

    Québec Solidaire

    Ce qui favorise l’accessibilité à des services de qualité Ce qui pourrait provoquer la privatisation et une diminution de l’accessibilité et/ou de la qualité aux services
    « cessera les projets d’optimisation qui visent à couper des services et obligent les personnes à se tourner vers des services privés. En plus de déshumaniser les soins, ils exigent des ressources de gestion qui gagneront à être utilisées dans le personnel soignant. »La FSSS demande depuis longtemps que les projets d’organisation du travail dans le réseau soient des projets paritaires qui ont comme objectif d’améliorer l’accès et la qualité des services et les conditions de travail. « En ce qui concerne la transparence, Québec solidaire n’a jamais adopté de position sur la question. » Dommage, puisqu’en développant des mécanismes permettant de garantir la transparence des informations qui touchent les établissements de santé et de services sociaux, on permet aux organisations comme la FSSS de faire reculer la privatisation. Ces informations sont en effet essentielles pour documenter les dossiers de lutte à la privatisation.
    « regarnira les services de première ligne en comptant sur le réseau déjà existant des CLSC. Cette approche réduira l’ampleur de la bureaucratie en réglant à la base les problèmes de santé. »Cette proposition redonnerait aux CLSC leur mandat d’origine. Cependant, une négociation ou une collaboration avec les médecins serait nécessaire pour la réussir. Voilà le défi majeur de cette proposition.
    « Nous n’entendons pas faire appel au privé au-delà des services actuellement laissés au secteur privé (soins dentaires, optométrie, éléments couverts par des assurances privées, etc.) »C’est un bon début. Cependant, les assurances privées prennent de plus en plus de place dans les soins – ne pensons qu’au débat sur les frais pour les chambres privées et semi-privées lorsqu’il n’y a que ce type de chambre de disponible. Le financement privé a augmenté dans les dernières années et nous croyons qu’il faut renverser la vapeur.
    « En ce qui concerne les ressources intermédiaires… ne favorisera pas leur développement, particulièrement dans le cas de “grosses” ressources. En revanche, dans le cas de petites ressources pour les personnes handicapées par exemple, parfois ce peut-être un modèle de ressource dans la communauté intéressant, à condition que les travailleurs-euses aient accès à des conditions de travail intéressantes… »
    « Réduire nos dépenses en médicaments grâce à Pharma-Québec, un pôle public d’achat et de production de médicaments. »Quiconque a des assurances privées connaît l’impact majeur de l’augmentation des prix des médicaments sur le prix de celles-ci. L’application de cette proposition ferait économiser les familles et ferait économiser plusieurs millions à l’État québécois.

     

    Position qui nous questionne

    « Notre cadre financier prévoit une croissance budgétaire de 4 % pour assurer un financement accru et stable des services publics, notamment pour l’amélioration des conditions de travail. »

    Il nous semble qu’à l’heure actuelle, une hausse de 4% ne couvre que les coûts du système. Est-ce que cette hausse permettrait d’améliorer les conditions de travail du personnel du réseau?

     

    Coalition Avenir Québec

    Ce qui favorise l’accessibilité à des services de qualité Ce qui pourrait provoquer la privatisation et une diminution de l’accessibilité et/ou de la qualité aux services
    « que tous les Québécois et Québécoises puissent bénéficier d’une prise en charge réelle et complète de leur état de santé par des médecins omnipraticiens. Pour cela, il faut que la grande majorité des médecins de famille se constituent (sic) en groupes de médecine familiale (GMF) »Nous sommes en accord avec ce principe de base. D’ailleurs, nous pensons qu’il faudrait qu’il y ait obligatoirement dans chaque CLSC un GMF qui respecte l’ensemble des obligations prévues. « La Coalition entend réviser en profondeur le mode de financement, qui sera dorénavant établi en fonction du volume des soins dispensés aux patients »Le financement à l’acte a été mis en place en Angleterre et a entraîné plusieurs problèmes, notamment parce que cela a causé une augmentation du volume, certes, mais d’un volume de cas mineurs qui ne nécessitaient pas de suivis médicaux, ce qui a, à terme, empiré la situation des listes d’attente.« Il s’agira de profiter des nombreux départs à la retraite pour ne pas remplacer ceux qui quittent dans les services administratifs, mais d’augmenter le nombre de personnes qui donnent des services directs à la population. »Qu’est-ce qu’un service direct à la population? Comment la CAQ fait-elle la distinction entre les deux types de personnel? Pour la FSSS, l’ensemble du personnel du réseau de la santé et des services sociaux donnent des services à la population. Comment organiser l’horaire des chirurgies sans secrétaire médicale? Comment s’assurer que les fournitures nécessaires seront toujours en quantités suffisantes sans magasinier? Comment augmenter le temps consacré par une infirmière en soins directs à la personne si on ne confie pas ses tâches administratives à du personnel administratif ?

    Positions qui nous questionnent

    « soutien clinique et administratif par l’entremise d’infirmières et de personnel administratif. Les infirmières doivent jouer un rôle accru quant au suivi clinique des patients inscrits. »

    Si les personnels infirmier et de soutien font partie du secteur public, nous serions prêts à évaluer les modalités. D’ailleurs, en ayant des GMF dans tous les CLSC, nous réglerions une partie importante de cette question fondamentale.

    « Coalition Avenir Québec va abolir les agences de santé et de services sociaux en redistribuant les ressources et la main d’œuvre aux établissements du réseau, notamment les 95 CSSS, les centres de santé de services sociaux dont la mission est justement de gérer les services de santé sur leur territoire. »

    C’est une promesse bien trop importante pour ne pas avoir de détails avant de se prononcer. On fait miroiter des économies importantes en prétendant qu’on peut se passer d’un échelon régional. Mais une partie importante du travail fait par les Agences va devoir se faire ailleurs. Il est facile de tomber dans des débats de structure. Cependant, ce débat de structure ne réglera pas grand chose sur le fond du problème.

    La santé et les services sociaux

    Globalement, nous constatons que les discussions sur la santé ne se font pas en profondeur dans cette campagne. Encore pire, les services sociaux sont complètement absents du débat. Pourtant, depuis le mouvement pour fusionner les établissements de la santé et des services sociaux, ce sont les services sociaux qui sont les grands perdants.

    Nous espérons que ces points de repère puissent vous aider à vous faire une tête sur le positionnement des partis politiques sur les grands enjeux en santé et services sociaux.

    Vous pouvez voir les réponses complètes des partis politiques en cliquant ici.