Invoquant l’état alarmant des finances publiques du Québec, le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, a prévenu que la rémunération des employé-es de l’État pourrait être très prochainement liée à leur productivité. On espère ainsi, explique-t-on, améliorer la performance du réseau et faire en sorte de réduire les coûts.
La rémunération liée à la performance consiste habituellement à moduler les salaires en fonction du degré de contribution des individus au succès d’une entreprise. Si l’on prend comme critère d’évaluation de succès la stricte question des coûts, force est d’admettre que la contribution des employé-es du secteur public de la santé québécois est telle que c’est au Québec que la rémunération devrait être la plus élevée!
En effet, la moyenne des dépenses publiques de santé par habitant des gouvernements provinciaux au Canada se situe à 4 083 $. Parmi les provinces, c’est au Québec que ces dépenses sont les plus basses à 3 735 $ par habitant. Ce que cela signifie, c’est qu’on demande actuellement aux employé-es québécois de se débrouiller avec moins qu’ailleurs au pays.
Élément plus méconnu, si on examine les dépenses en santé des gouvernements en proportion des dépenses de programmes (qui sont composées du total des dépenses du gouvernement provincial moins les frais de la dette), c’est encore au Québec que la proportion est la moindre. En effet, alors qu’en moyenne, les gouvernements provinciaux consacrent 37,9 % de leurs dépenses totales de programmes pour la santé, le gouvernement du Québec y consacre seulement 30,7 %. Convenons au passage que nous sommes loin du discours alarmiste qui invoque le mur du 50 % du budget consacré aux dépenses de santé!
Donc, force est d’admettre que sur le plan des coûts publics, le système de santé québécois est le plus performant au pays. Alors pourquoi les travailleuses et travailleurs qui y œuvrent dans le domaine de la santé ne sont-ils pas les mieux payés au pays?
Réduire les coûts en s’attaquant au privé et en agissant en amont
Si l’on veut réellement réduire les coûts en santé au Québec, il faudra plutôt chercher ailleurs, comme du côté des volets privés du réseau. En effet, on pourrait se demander, par exemple, pourquoi c’est au Québec que l’on consacre la plus grande part des dépenses totales en santé pour les médicaments, c’est-à-dire 19,5 % comparativement à une moyenne de 16,5 % au Canada? D’ailleurs, comment expliquer qu’on ait laissé le coût des médicaments passer de 5 milliards $ à 8,7 milliards $ depuis 2002?
Bien entendu, la performance du réseau de la santé dépasse la stricte question des coûts. En effet, un réseau de la santé et des services sociaux performant est d’abord un réseau qui prévient efficacement l’apparition de la maladie, qui réussit à maintenir sa population en santé tout en garantissant l’accès aux services lorsque la maladie survient.
À ce titre, il y a lieu d’être inquiet lorsqu’on constate que c’est au Québec que les dépenses en santé publique sont les plus basses au pays (3 % des dépenses totales comparativement à une moyenne canadienne de 5,2 %) et lorsqu’on constate que c’est au Québec que la part des dépenses consacrée au financement des hôpitaux est la plus basse (27,3 % comparativement à une moyenne de 29,5 %).
Quelques propositions pour une meilleure santé
Pour améliorer la performance de notre réseau, il faudra d’abord que les autorités gouvernementales prennent acte du fait que les employé-es de la santé et des services sociaux sont actuellement les plus productifs au pays. Le gouvernement doit donc éviter d’exercer une pression indue sur des personnes qui sont déjà à bout de souffle. De plus, il faudra que le gouvernement réinvestisse dans les services de prévention et dans le renforcement de la première ligne, de telle sorte que les intervenants du réseau puissent agir efficacement sur les déterminants sociaux de la santé. Enfin, il faudra que le gouvernement mette un terme au démantèlement de notre réseau public et au transfert de sa mission vers le privé.
C’est seulement ainsi que nous pourrons améliorer la productivité de notre réseau public, c’est-à-dire, maintenir plus longtemps la population en santé et donner accès aux services à toutes les personnes qui en ont besoin.
De notre côté, nous sommes particulièrement actifs pour trouver des solutions pour assurer l’avenir de nos services publics de santé et de services sociaux. C’est pourquoi nous organisons le Premier rendez-vous national sur l’avenir du système public de santé et de services sociaux, où toutes les composantes du réseau seront réunies pour la première fois pour réfléchir à l’avenir de notre réseau public.