Le nouveau ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, est admiré par certaines personnes pour son « audace ». Nous lui proposons quelques réformes à mettre en place pour améliorer l’accès aux soins de santé. Voyons voir s’il a vraiment l’audace qu’on prétend!
On fait notamment référence à une de ses premières sorties publiques à la suite de sa nomination. Il a indiqué, il y a deux semaines, à l’Association québécoise d’établissements de santé et de services sociaux (AQESSS) qu’il y aura des conséquences pour ses membres s’ils n’appliquaient pas les politiques convenues au Conseil des ministres. Il s’est même permis de leur dire qu’il ne tolérerait pas de l’obstruction de leur part (ce qui est, à mon avis, une présomption de mauvaise foi).
De toute évidence, le nouveau ministre n’a pas digéré la sortie de l’AQESSS ce printemps. Elle a fait une sortie pour dire, essentiellement, que le ministère pellette dans la cour des administrateurs la responsabilité de décider où doivent se faire les coupes. L’AQESSS évalue que ces décisions reviennent aux politiques et que c’est aux administrateurs de voir la meilleure façon de les appliquer.
Trois réformes qui confirmeraient que le ministre est audacieux!
Nous proposons trois réformes et un moratoire vraiment audacieux pour contrôler de façon permanente l’augmentation des coûts dans le réseau de la santé, sans réduire, année après année, le pouvoir d’achat des syndiqué-es du réseau et sans réduire les services à la population.
- Réviser le mode de rémunération des médecins;
- Revoir la contribution des autres professionnel-les de la santé, notamment des infirmières;
- Arrêter d’être impuissant face à l’augmentation des coûts des médicaments (Rx);
- Arrêter de couper dans les services de soutien
Revoir le mode de rémunération des médecins
Cette semaine, je veux traiter du mode de rémunération des médecins. Dans plusieurs États, ceux-ci ne sont pas payés à l’acte comme c’est le cas au Québec. C’est une concession que les gouvernements canadiens (provinciaux) ont faite lors de l’implantation de notre système public, dès la fin des années 1940.
Dans d’autres États, qui n’ont pas fait cette concession, il y a un meilleur contrôle des coûts provenant de la ligne budgétaire de la rémunération des médecins.
Le ministre aura-t-il l’audace de mettre sur la table le débat sur le mode de rémunération des médecins? Depuis plus que 50 ans, il n’y a jamais eu un débat sérieux digne de ce nom sur cette question. Rappelons qu’en 2009, les médecins, durant la négociation qui a à peine été soulevée sur la place publique, ont obtenu une augmentation salariale de 67 % en cinq ans.
Soyons clairs, je suis à l’aise avec le fait que les médecins soient parmi les professionnel-les les mieux rémunérés au Québec. Le problème, pour moi, est qu’ils soient payés à l’acte. Cette façon de faire cause des distorsions importantes dans la livraison des services.
Quelques exemples de distorsions :
- Des salles d’opération qui fonctionnent à moitié. Une fois que l’hôpital n’a plus de budget pour payer des opérations à cause de la rémunération à l’acte, ils doivent arrêter de s’en servir. Ce sont pourtant des équipements qui coûtent très cher et qu’on n’utilise pas à leur pleine capacité.
- En étant payés à l’acte, les médecins ont intérêt à résister à tout changement qui pourraient permettre à d’autres professionnel-les d’exécuter quelques actes qui leur sont réservés. Par exemple, s’ils faisaient partie de l’équipe de salarié-es (tout en conservant de très bons salaires), la discussion sur la meilleure personne pour faire l’acte en question pourrait avoir lieu plus facilement. De plus, chaque membre de l’équipe serait reconnu à sa juste valeur.
- Leur champ de pratique est celui qui a des protocoles parmi les plus élaborés et compliqués. Cependant, le paiement à l’acte a comme conséquence de compartimenter les soins. Pourtant, le médecin devrait partir d’une vision globale du patient. Malheureusement, les médecins n’ont pas beaucoup d’intérêt, du moins du côté pécuniaire, à développer cette vision globale.
- De plus, dans ce cadre, le médecin n’est pas incité à mener des activités importantes pour la population (peu en lien avec une rémunération à l’acte), qu’il s’agisse de prévention, de services à domicile ou d’enseignement.
C’est le monde à l’envers. L’équipe et l’institution de santé doivent s’adapter au mode de rémunération du médecin plutôt que de prendre les meilleurs moyens pour donner les services à la population. Le contrôle des coûts pour l’établissement n’est accessible qu’en limitant les actes faits par le médecin, ce qui équivaut souvent à réduire les services. Ça devrait être plutôt au médecin de s’adapter, selon les ressources de son équipe et de son institution pour faire la meilleure utilisation de l’ensemble des compétences du personnel. Ce n’est qu’à ce moment que l’établissement pourrait développer une organisation du travail au service du patient.
Ce débat est urgent! Je n’ai touché que la pointe de l’iceberg sur cette question. Avez-vous assez d’audace, Monsieur le Ministre, pour mettre ce débat sur la table?
La semaine prochaine, nous verrons comment augmenter la contribution des autres professionnel-les, notamment des infirmières, pour améliorer l’accès aux soins de santé.