Six ans après le lancement d’un vaste plan de transformation des services en santé mentale par l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, découlant du plan d’action ministériel adopté en 2005, les organisations syndicales et communautaires qui interviennent auprès des personnes souffrant de problèmes en santé mentale dressent un sombre bilan de sa mise en œuvre.
Visant l’amélioration de l’accessibilité et de la continuité des services pour mieux répondre aux besoins, la réforme prévoyait de récupérer des millions de dollars des budgets des hôpitaux psychiatriques pour créer des guichets d’accès unique et rapprocher les services du milieu de vie de la clientèle. Des équipes de première ligne, composées d’intervenants des centres de santé et de services sociaux (CSSS), de médecins de famille, de psychiatres répondants ainsi que les ressources du milieu communautaire devaient disposer de moyens et travailler de concert pour prendre en charge les personnes délestées par les hôpitaux.
«Or, déclare Michèle Boisclair, vice-présidente de la FIQ, nous constatons aujourd’hui, sur le terrain, de nombreux ratés quant à la rencontre des objectifs poursuivis au départ et quant au respect des principes mis de l’avant.»
Les personnes laissées à elles-mêmes
Les personnes en crise ou dans l’obligation de faire renouveler ou réviser leur ordonnance n’ont plus accès au psychiatre qu’elles voyaient auparavant dans les grands centres hospitaliers et ne savent plus où se diriger. Elles ne peuvent être référées à un psychiatre répondant que par leur médecin de famille. Souvent ces gens n’en ont pas, à l’instar de la grande majorité des Québécois, et comme les références des médecins des cliniques sans rendez-vous ne sont pas reconnues, ils sont laissés à eux-mêmes.
« Les intervenants des CSSS, tout comme ceux du milieu communautaire, les soutiennent à bout de bras et, ultimement, n’ont d’autre choix que de les retourner à l’urgence pour qu’ils puissent obtenir des services médicaux et psychiatriques, constate Johanne McGurrin, vice-présidente à l’APTS. On est loin de l’objectif recherché de continuité et de proximité des services. »
«Cinq ans plus tard, le plan d’action en santé mentale tarde à livrer ses promesses et l’implantation des équipes interdisciplinaires prend beaucoup de retard. Un virage s’impose pour offrir aux personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale, et à leur famille, tous les services auxquels elles ont droit, déclare Jean-Philippe Grad, vice-président Montréal-Laval de la FSSS-CSN. Cette responsabilité incombe à l’Agence qui doit jouer son rôle de coordination auprès des établissements et s’assurer que toutes les équipes d’intervention intègrent des médecins et des psychiatres répondants.»
Un sous-financement aux conséquences dramatiques
Le plan ministériel prévoyait que les organismes communautaires reçoivent au moins 10 % de l’enveloppe des dépenses de santé mentale dans chacune des régions du Québec. Depuis six ans, le financement des organismes montréalais n’a jamais dépassé 5,3 %, alors que pour l’ensemble du Québec il a diminué de 7,3 % à 7 %.
« Nous nous demandons si le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) veut vraiment maintenir un réseau d’organismes communautaires spécialisés en santé mentale, se questionne Daniel Latulippe, directeur général du RACOR. Des organismes doivent réduire leurs services et, faute de ressources humaines, ne peuvent plus participer à des rencontres de concertation avec le réseau public. Certains organismes penseraient même à se saborder parce qu’ils n’ont plus les moyens de réaliser leur mission. »
Les organismes que regroupe le RACOR sur l’île de Montréal offrent annuellement des services à 100 000 personnes dont plus de la moitié viennent de leur propre initiative, sans avoir été dirigées par le réseau public. Les liens entre ce dernier et le milieu communautaire doivent être renforcés afin de favoriser l’accès aux services.
Le regroupement d’organisations réclame de l’Agence régionale et du MSSS qu’ils complètent en priorité les équipes de travail interdisciplinaires, qu’ils débloquent les sommes budgétisées pour la réalisation du plan, qu’ils fassent la promotion des nouveaux guichets d’accès aux services et qu’ils s’assurent d’une étroite collaboration entre les réseaux publics et communautaires qui viennent en aide aux patients et à leur famille. Et, bien sûr, que le ministère fasse connaître son bilan.
« Les syndicats et les organismes communautaires tirent aujourd’hui la sonnette d’alarme : tout le monde, incluant les médecins et les psychiatres, doit faire sa part pour remettre le train sur les rails. Nous avons le devoir d’agir pour soigner adéquatement et améliorer la qualité de vie de ces personnes qui sont parmi les plus vulnérables de notre société », conclut Michel Tremblay, président de la FP-CSN.
À propos du comité de travail en santé mentale
Le comité de travail en santé mentale est composé de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), du Conseil central du Montréal métropolitain (CCMM-CSN), de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec – FIQ, de la Fédération des professionnèles (FP-CSN) et de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN), du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) ainsi que du réseau d’organismes communautaires membres du RACOR en santé mentale.
Pour en savoir plus :
- Santé mentale : une coalition décrie le manque de ressources (Le Devoir)
- Une coalition dénonce un manque criant de services en santé mentale (Radio-Canada, 20-03-2011)
Source : Comité de travail en santé mentale