< Retour Imprimer
    • 08 MAI 20
    Soins aux aîné-es : se regarder dans le miroir

    La population du Québec réalise ces derniers jours l’ampleur des problèmes que nous vivons dans le réseau de la santé et des services sociaux.

    Une des choses que nous avons faite collectivement, c’est que nous avons accepté que des femmes, souvent racisées, aient la lourde tâche de prendre soin des aîné-es. Nous avons accepté que ces femmes soient mal payées et mal appuyées pour faire leur travail. Elles le sont dans le réseau public, mais aussi dans les résidences privées qui pullulent. Elles le sont encore plus dans les agences privées qui profitent de la crise pour augmenter leur prix comme jamais sans pour autant que ces femmes soient vraiment mieux payées qu’avant. Ces femmes ont le cœur gros comme la main et certains en ont profité. Ces agences font également en sorte d’augmenter la mobilité du personnel, ce qui fait involontairement voyager le coronavirus.

    Nous devons accepter de nous regarder dans le miroir : nous avons fermé les yeux sur le sort de milliers de femmes et d’hommes qui se lèvent chaque matin pour prendre soin de la population.

    Depuis des années, nos gouvernements ont refusé d’améliorer nos conditions de travail et nos salaires. Si nous avions fait cela, le recours aux agences dispendieuses aurait probablement été plus marginal. Quand on travaille en santé, on subit de plein fouet le désengagement de l’État. Et nous sommes maintenant particulièrement à risque d’être infectés par le virus, alors que tout n’est pas fait pour assurer notre protection. Le nombre de travailleuses et travailleurs infectés par le coronavirus augmente chaque jour et pourtant notre demande reste lettre morte. Il faut d’urgence augmenter les mesures de protection dans les CHSLD, les soins à domicile et les résidences privées pour aîné-es !

    La crise des CHSLD et des résidences privées pour aîné-es montre le résultat d’un cocktail nocif dont les travailleuses et travailleurs et les patient-es ont été la cible depuis trop longtemps.

    Nos gouvernements n’ont pas investi ce qu’il fallait pour donner des soins de qualité et attirer et retenir le personnel. À la sortie du dernier budget, nous évaluions à plus de 10 milliards le manque à gagner cumulatif des établissements publics du réseau depuis 2013-2014. C’est l’ampleur des investissements qui ont manqué pour améliorer les salaires du personnel, pour réduire leur charge de travail et pour offrir un milieu de vie intéressant aux aîné-es.

    Et pendant ce temps, l’État a de plus en plus abandonné ses responsabilités dans les soins aux aîné-es. Il l’a fait en arrêtant du jour au lendemain la construction de nouvelles places en CHSLD, mais aussi en achetant de plus en plus de places dans le privé. Pendant toutes ces années, nos gouvernements ont regardé ailleurs quand ils se sont fait interpeller sur les conditions dans lesquelles se trouvent les résident-es et celles et ceux qui en prennent soin. La situation est tout aussi préoccupante dans le soutien à domicile, alors que le privé a pris toute la place.

    Il est trop tôt pour faire le bilan de la crise de la COVID-19. Mais ce qui est clair, c’est que les décisions gouvernementales des dernières années nous ont bien mal préparées à faire face à une telle pandémie. Si nous devons retenir une leçon de ce que nous vivons actuellement, c’est qu’il faut enfin valoriser et reconnaître le travail des anges gardiens.

    Jeff Begley, président de la FSSS-CSN