Depuis le début de cette crise sanitaire, les travailleuses et travailleurs dans nos CPE participent activement à l’effort collectif pour minimiser les impacts négatifs de la COVID-19. Elles accueillent en service de garde d’urgence les enfants des travailleuses et travailleurs des services essentiels, particulièrement les soins de santé et services sociaux.
Le quotidien des travailleuses de CPE en temps de pandémie
Pour la majorité d’entre elles, elles alternent leurs tâches entre présence-enfants, désinfection au CPE et pédagogie, formation en ligne, appels aux parents et enfants en télétravail. Un certain nombre de nos travailleuses sont uniquement disponibles en télétravail en raison de conditions personnelles (personnes vulnérables vivant avec certaines maladies chroniques ou vivant avec des personnes vulnérables).
Malheureusement à ce chapitre, un certain nombre d’employeurs refusent de rémunérer les travailleuses et travailleurs en isolement volontaire pour les heures où elles auraient été requises sur les lieux du travail, et ce, malgré la directive du ministère de la Famille de le faire. Ces employeurs disent faire preuve de souplesse en proposant aux travailleuses et travailleurs d’utiliser leurs banques de congé de maladie ou pour obligation familiale, et ce, sans mesure disciplinaire pour refus de travailler ! Toute une souplesse ! Rappelons que ces personnes vulnérables ou vivants avec des personnes vulnérables risquent de graves complications allant même jusqu’au décès si elles sont infectées et développent la COVID-19. On se demande si les employeurs comprennent leur responsabilité en matière de santé et sécurité au travail…
La santé et sécurité au travail dans les CPE
Parlant de santé et sécurité au travail, l’organisation dans nos services de garde d’urgence a permis jusqu’à maintenant d’éviter des foyers de contamination, mais c’est au prix d’énormes efforts et mesures mises en place : accueil des enfants et départs à l’entrée du CPE pour que les parents ne circulent pas à l’intérieur, désinfection de ce qu’apportent les enfants de la maison, réduction du matériel accessible pour les jeux et désinfection systématique dès que l’utilisation est terminée, lavage fréquent des mains de tous, désinfection systématique du mobilier et des surfaces (murs, poignées de porte, etc.) et réduction du nombre d’enfants accueillis (maximum 30 % du nombre total permis habituellement et 50 % d’enfants maximum dans chaque groupe). Les groupes sont chacun dans leur local et ne doivent pas se retrouver ensemble. Il y a donc alternance de l’utilisation de la cour extérieure, lavage quotidien des draps et couvertures de sieste, etc. Tout ça fonctionne parce que tous respectent les règles et que les éducatrices ont du temps puisqu’elles ne sont pas toujours en présence-enfants vu le faible nombre d’enfants.
Mais que se passera-t-il lorsqu’on commencera le déconfinement ?
L’augmentation du nombre d’enfants augmentera évidemment les risques pour les travailleuses d’être contaminées, surtout si on prend en considération les faits suivants :
- La distanciation physique de 2 mètres est impossible avec les jeunes enfants
- Les mesures alternatives (barrières physiques tel que plexiglas, masques N95 ou masques de procédure pour adultes et enfants) sont à peu près impossibles à appliquer
- Le maintien des mesures d’accueil et de départ, de désinfection et de lavage nécessitera du personnel supplémentaire lorsque plus d’éducatrices seront requises auprès des enfants alors que les CPE étaient déjà en pénurie de personnel avant la crise
- La santé publique nous indique depuis quelque temps que nous sommes maintenant en période de contamination communautaire
- Les études démontrent que plus on est jeune, moins la maladie est difficile et a des risques de complication
- Les études démontrent aussi que le virus peut se transmettre par des contacts avec des personnes asymptomatiques
Nous sommes bien obligés de comprendre que le gouvernement, en annonçant le déconfinement éventuel des services de garde éducatifs, choisit de cibler les travailleuses et travailleurs de ces services pour être exposés au coronavirus afin d’augmenter l’immunisation collective. Dis comme ça, ça semble bien logique, mais la suite est inquiétante et très anxiogène. Personne n’a envie d’être malade et nous ne sommes pas tous égaux face à ce virus. Nos travailleuses et travailleurs ne sont pas tous dans la vingtaine et plus on avance en âge, plus les risques deviennent importants de vivre des complications.
Il faut un déconfinement graduel
Le déconfinement devra être très graduel pour permettre l’adaptation à chaque étape, car plus on augmentera le nombre d’enfants dans nos services, plus des adultes autour seront infectés et devront se mettre en isolement et se soigner.
Mais on ne parle pas ici d’un simple rhume qui nous tient à la maison pour 5 à 7 jours. L’absence du travail peut être assez longue selon la gravité des symptômes et la récupération après la phase aiguë de la maladie. Quand on voit des personnes qui après 5 semaines ont encore des difficultés respiratoires à l’effort comme monter des escaliers alors qu’avant la maladie elles faisaient du jogging régulièrement, on comprend que des travailleuses et travailleurs de CPE ne pourraient pas reprendre le travail dans de telles conditions. Alors, au-delà du fait que d’être malade est difficile et crée de l’anxiété, les services de garde ne pourront pas être maintenus comme en temps normal si on manque de personnel pour assurer toutes les mesures de protection.
On se retrouve donc face à un grand questionnement : comment faire pour que les travailleuses et travailleurs des services essentiels continuent d’avoir des services de garde si le personnel des CPE est infecté, absent du travail pour un certain temps et sans relève (pénurie de personnel), et qu’en plus le personnel malade des CPE viendrait mettre de la pression sur les soins de santé (consultations et hospitalisation) ?
Nous avons justement interpellé l’INSPQ (l’Institut de santé publique du Québec), la CNESST (Commission des normes, de l’équité et de la santé et sécurité au travail) et le ministère de la Famille pour leur faire part des préoccupations des travailleuses et travailleurs face au déconfinement et pour s’assurer que celui-ci soit le plus graduel possible pour limiter les risques. Depuis le début de cette crise, nous sommes proactives pour exiger des améliorations pour faciliter notre travail dans cette période intense.
Louise Labrie, représentante du secteur des CPE à la FSSS-CSN
Lucie Longchamps, vice-présidente de la FSSS-CSN